Irrecevabilité de la tierce opposition en cas de refus d’autorisation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2023

Temps de lecture

3 minutes

Conseil d’Etat, 25 janvier 2023, Communes de Tourville-la-Campagne et de Saint-Meslin-du-Bosc, req. n° 450161 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Dans cette affaire, le préfet de l’Eure avait refusé de délivrer à la société Ferme éolienne du Torpt les permis de construire pour l’installation de cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et de Saint-Meslin-du-Bosc.

Alors que le tribunal administratif de Rouen a rejeté le recours du pétitionnaire, la cour administrative d’appel de Douai 1)CAA Douai 29 décembre 2020, req n°19DA00520 a annulé cinq des six arrêtés du 2 août 2017 et enjoint au préfet de l’Eure de délivrer les permis de construire pour quatre éoliennes et le poste de livraison.

La commune de Tourville-la-Campagne a souhaité intervenir volontairement à la procédure, et sa qualité d’intervenante  en défense a été admise par les juges de première instance et d’appel.

En cette qualité, la commune de Tourville-la-Campagne s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai.

Le principe veut qu’un intervenant à une procédure – et non une partie- est recevable à se pourvoir en cassation si en l’absence d’une telle intervention, il aurait pu former une tierce opposition à cette décision 2)CE 3 juillet 2000 Syndicat des pharmaciens du Nord, req n°196259.

La question du litige était alors la suivante : une commune opposée à l’implantation d’un projet éolien sur son territoire et qui est intervenue en première instance et en appel est-elle recevable à former tierce opposition contre la décision juridictionnelle qui annule le refus du préfet opposé au pétitionnaire et lui enjoint de délivrer l’autorisation ?

Il faut rappeler que selon les dispositions de l’article R. 832-1 du code de justice administrative concernant la tierce opposition toute personne non présente à une instance peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle « qui préjudicie à ses droits ».

Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil d’Etat précise les conditions de recevabilité d’un pourvoi en cassation formé par un tiers à l’instance en considérant que :

« 3. (…)  La circonstance qu’une personne justifie d’un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition à l’arrêt par lequel une cour administrative d’appel a annulé la décision refusant cette autorisation, y compris lorsque la cour administrative d’appel a assorti son arrêt d’une injonction tendant à la délivrance de cette autorisation, dès lors que l’autorisation ainsi délivrée peut être contestée par des tiers à cette autorisation sans qu’ils puissent se voir opposer les termes de l’arrêt. Elle n’est donc pas recevable à se pourvoir en cassation contre cet arrêt alors même qu’elle est intervenue en défense devant la cour administrative d’appel ».

Il ajoute « qu’il en va de même de toute personne qui justifierait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision administrative, dès lors que l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel a annulé la décision refusant cette autorisation ne préjudicie pas à ses droits ».

Sur ce fondement, le juge refuse à la commune de Tourville-la-Campagne la possibilité de former un recours en cassation dès lors qu’elle ne justifie pas d’un droit qui lui aurait donné qualité, à défaut d’intervention de sa part, pour former tierce opposition contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel a annulé le refus opposé à la société Ferme éolienne du Torpt et enjoint au préfet de l’Eure de délivrer à cette société les permis de construire.

En définitive et comme le souligne le rapporteur public sous cette décision, il importe pour le juge administratif de s’attacher aux « effets de la décision juridictionnelle sur les droits des requérants, tout en préservant l’effectivité du droit au recours » 3)Voir conclusions de Monsieur Nicolas Agnoux, rapporteur public.

Or, de toute évidence, la situation des requérants diffère selon qu’est en jeu (i) l’annulation d’une autorisation ou comme en l’espèce (ii) l’annulation d’un refus de délivrance d’une autorisation administrative.

En effet, dans cette seconde hypothèse, un jugement annulant un refus d’autorisation ne préjudicie pas en soi les droits d’une commune, d’une association requérante 4)Par la présente décision, le Conseil d’Etat étend à la commune d’implantation d’un projet éolien, une solution déjà retenue pour une association de riverains contestant également un parc éolien : CE 1er juin 2022 Association Apache et a, req n°441176, 441181, 441183 ou de riverains opposés à un projet et ce, alors même qu’ils auraient un intérêt à agir évident. La possibilité pour eux de former une tierce opposition doit être alors être regardée comme fermée.

En revanche, leur droit à un recours effectif demeure puisque le Conseil d’Etat ménage une « soupape » 5)Voir conclusions de Monsieur Nicolas Agnoux, rapporteur public en ce qu’il rappelle que la commune en cause pourra comme tous les tiers contester à terme devant le juge administratif l’autorisation d’urbanisme qui sera délivrée suite à l’annulation du refus de délivrance du permis de construire opposé initialement par le préfet 6)CE 25 mai 2018 Préfet des Yvelines, req n°417350.

 

 

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References   [ + ]

1. CAA Douai 29 décembre 2020, req n°19DA00520
2. CE 3 juillet 2000 Syndicat des pharmaciens du Nord, req n°196259
3, 5. Voir conclusions de Monsieur Nicolas Agnoux, rapporteur public
4. Par la présente décision, le Conseil d’Etat étend à la commune d’implantation d’un projet éolien, une solution déjà retenue pour une association de riverains contestant également un parc éolien : CE 1er juin 2022 Association Apache et a, req n°441176, 441181, 441183
6. CE 25 mai 2018 Préfet des Yvelines, req n°417350

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