La présence dans les commissions d’aménagement commercial de personnalités désignées par les chambres consulaires caractérise une intervention d’opérateurs concurrents dans l’accès à une activité de services prohibée par la directive Services

Catégorie

Aménagement commercial

Date

July 2021

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 15 juillet 2021, BEMH, Conseil national des centres commerciaux c/ Premier ministre, ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, affaire C-325/20

Les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) sont des instances collégiales qui se prononcent, notamment, sur les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale relatives aux projets de création ou d’extension de magasins de commerce de détail, ou d’ensembles commerciaux, dont la surface de vente est supérieure à 1 000 m2.

Dans le cadre de leurs requêtes au principal, BEMH, qui est un bureau d’études spécialisé en urbanisme commercial, et le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) considéraient que les dispositions du droit français (article L. 751-2 du code de commerce et son décret d’application n° 2019-331 du 17 avril 2019) fixant la composition de ces CDAC sont incompatibles avec l’article 49 TFUE ainsi qu’avec l’article 14, point 6, de la directive 2006/123.

Les commissions départementales sont en effet composées, aux termes de l’article L. 751-2 du code de commerce, de trois personnalités qualifiées (seulement deux à Paris) représentant le tissu économique, désignées par les chambres consulaires, qui exercent une fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères.

Selon la législation française, ces personnes ne prennent toutefois pas part au vote et présentent seulement la situation du tissu économique dans la zone de chalandise pertinente et l’impact du projet sur ce dernier.

Or, aux termes l’article 14, point 6 de la directive 2006/123, les Etats ne doivent pas subordonner l’accès à une activité de service à l’intervention directe ou indirecte d’opérateurs concurrents, y compris au sein d’organes consultatifs, dans l’octroi d’autorisations, telles que les autorisations commerciales.

Ainsi et en substance, la CJUE devait se prononcer, sur renvoi préjudiciel du Conseil d’Etat, sur le fait de savoir si les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation prévoyant la présence, au sein d’une instance collégiale compétente pour émettre un avis sur l’octroi d’une autorisation d’exploitation commerciale, de ces personnalités représentant le tissu économique de la zone, qui ne prennent pas part au vote sur la demande d’autorisation et se bornent à présenter la situation de ce tissu économique et l’impact du projet sur ce dernier.

Après avoir relevé que :

  • l’interdiction prévue au point 6 de l’article 14 devait être interprétée de manière large,
  • avant même l’entrée en vigueur de la directive 2006/123, la Cour s’était déjà prononcée sur l’incompatibilité avec le droit communautaire de réglementations nationales prévoyant la présence de concurrents du demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale au sein d’organes collégiaux compétents pour octroyer une telle autorisation 1)Voir CJCE 15 janvier 2002, Commission c/ Italie, C-439/99 et CJUE 24 mars 2011, Commission c/ Espagne, C-400/08,
  • l’influence sur le processus décisionnel exercée par des concurrents du demandeur d’une autorisation était de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement et la libre circulation des services entre les états…

la Cour répond par l’affirmative, en précisant que cette incompatibilité n’est caractérisée pour autant que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation des personnalités présentes, ce qu’il appartient, selon la juridiction européenne, au Conseil d’Etat de vérifier.

Sans présumer le sens de la décision à venir des juges du Palais Royal, on relèvera que les chambres du commerce et de l’industrie sont administrés par des dirigeants d’entreprise élus 2)Article L. 710-1 du code de commerce, que les chambres des métiers et de l’artisanat le sont par des chefs d’entreprises immatriculées ou mentionnés au répertoire des métiers de la chambre des métiers et de l’artisanat 3)Décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et de leurs chambres de niveau départemental et à l’élection de leurs membres et qu’enfin, les chambres départementales d’agricultures sont, quant à elles, notamment composées par des chefs d’exploitation et représentants des groupements professionnels agricoles 4)Article R. 511-6 du code rural et de la pêche maritime.

 

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References   [ + ]

1. Voir CJCE 15 janvier 2002, Commission c/ Italie, C-439/99 et CJUE 24 mars 2011, Commission c/ Espagne, C-400/08
2. Article L. 710-1 du code de commerce
3. Décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et de leurs chambres de niveau départemental et à l’élection de leurs membres
4. Article R. 511-6 du code rural et de la pêche maritime

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