La requalification des zones commerciales d’entrée de ville dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2023

Temps de lecture

6 minutes

L’article 22 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte – parue au Journal officiel du 24 octobre 2023 – fournit aux autorités administratives et aux opérateurs économiques un arsenal juridique destiné à permettre la requalification des zones commerciales d’entrée de ville – que le Gouvernement appelle « La France Moche ».

La pierre angulaire de ce dispositif est la Grande Opération d’Urbanisme (GOU) décidée dans le cadre d’un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA). La GOU est une opération d’aménagement prévue par un contrat dont la réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public, en raison des dimensions ou des caractéristiques de cette opération.

Une opération est qualifiée de GOU par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public cocontractant du PPA, après avis conforme des communes concernées et avec l’accord du préfet.

Issue de la loi ELAN 1)Article 1er de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique., la GOU n’a jusqu’alors pas rencontré de vif succès dès lors qu’elle impliquait un transfert automatique à l’établissement public de coopération intercommunale de la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme.

La loi Industrie Verte lève cette restriction en prévoyant que le maire peut décider de conserver cette compétence 2)Nouvel article L. 312-5-1 du code de l’urbanisme : « Par dérogation au 1° de l’article L. 312-5, la compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable peut s’exercer dans les conditions prévues à l’article L. 422-1 dans tout ou partie du périmètre de la grande opération d’urbanisme.

Dans ce cas, par dérogation au 5° de l’article L. 312-5, la compétence pour conclure une ou plusieurs conventions de projet urbain partenarial peut s’exercer dans les conditions prévues au 3° du I de l’article L. 332-11-3 dans tout ou partie du périmètre de la grande opération d’urbanisme pour un projet mentionné au premier alinéa du présent article.

Cette possibilité est ouverte par l’acte décidant de la qualification de grande opération d’urbanisme prévu à l’article L. 312-4 ou par tout acte ultérieur pris dans les mêmes formes »..

Cette simple adaptation du dispositif peut laisser espérer un large recours à une boite à outils élargie par la loi Industrie Verte et mise à la disposition des partenaires publics et privés pour la requalification des entrées de ville. Cette boite à outils à la suivante :

1             Les transferts de droits d’exploitation sans autorisation d’exploitation commerciale

L’article 22 prévoit tout d’abord deux dispositifs de transfert de droits d’exploitation commerciale d’un foncier à un autre sans passage en commission d’aménagement commercial.

1.1          Le premier consiste à transférer des droits d’exploitation commerciale en GOU. Concrètement, il s’agit de permettre aux opérateurs économiques de déplacer des surfaces de vente à l’intérieur du périmètre d’une GOU dès lors qu’elle vise la transformation d’une zone d’activité économique (ZAE) afin d’en favoriser la mixité fonctionnelle.

Le code de l’urbanisme prévoit que sont considérées comme des ZAE, les zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire 3)Article L. 318-8-1 du code de l’urbanisme.. Elles font l’objet d’un inventaire sur l’ensemble du territoire national depuis la loi Climat et résilience du 22 août 2021.

La loi précise également que ne peuvent bénéficier de cette exonération d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) que les seuls projets n’engendrant aucune création de surfaces supplémentaires et aucune artificialisation des sols.

1.2          Un second cas de transfert de droits d’exploitation commerciale est créé par la loi à la suite d’un amendement sénatorial repris par la commission mixte paritaire : le transfert à titre expérimental et pour une durée de 3 ans de tout droit d’exploitation commerciale à l’intérieur d’une même ZAE, ou entre différentes ZAE situées dans le périmètre d’un même établissement public de coopération intercommunale, en vue de favoriser la mixité fonctionnelle d’une ou de plusieurs de ces zones d’activité économique, au profit d’implantations industrielles.

Plus question ici de GOU mais uniquement de ZAE et à condition dans ce cas de viser une implantation industrielle. L’objectif est de permettre de libérer du foncier pour favoriser les implantations industrielles mais toujours sans création de surfaces supplémentaires et sans nouvelle artificialisation.

2             Elargissement du droit de préemption en GOU visant la transformation d’une ZAE

La loi prévoit par ailleurs la possibilité d’instituer le droit de préemption, par délibération motivée, à l’intérieur du périmètre d’une GOU visant la transformation d’une ZAE afin d’en favoriser la mixité fonctionnelle 4)L. 214-2-1 c. urb..

Dans les secteurs où il sera instauré :

  • seront également soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de terrains accueillant ou destinés à accueillir des commerces d’une surface de vente comprise entre 1 000 et 4 000 m² ;
  • le délai de rétrocession pourra être porté à 6 ans, et à 7 ans en cas de mise en location-gérance du fonds de commerce ou du fonds artisanal.

3             Les dérogations possibles au Plan Local d’Urbanisme (PLU)

La loi élargit par ailleurs aux GOU les dérogations aux PLU initialement possibles au sein du périmètre des conventions d’opérations de revitalisation de territoire (ORT).

Désormais, dans le périmètre d’une GOU, comme en ORT, des dérogations au règlement du PLU ou du document en tenant lieu pourront être autorisées pour contribuer au développement ou à la revitalisation du territoire et pour faciliter le renouvellement urbain et la maîtrise de l’étalement urbain 5)L. 152-6-4 c. urb..

Il sera ainsi possible de :

1° Déroger aux règles de retrait fixant une distance minimale par rapport aux limites séparatives ;

2° Déroger aux règles relatives au gabarit et à la densité, dans la limite d’une majoration de 30 % du gabarit et de la densité prévus dans le document d’urbanisme ;

3° Déroger aux obligations en matière de stationnement, en tenant compte de la qualité et des modes de desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres du projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité ;

4° Autoriser une destination non autorisée par le document d’urbanisme, dès lors qu’elle contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur concerné ;

5° Autoriser une dérogation supplémentaire de 15 % des règles relatives au gabarit pour les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres. Cette dérogation supplémentaire ne pouvant toutefois concourir à excéder 50 % de dépassement au total.

4             La procédure de constat d’état d’abandon manifeste (EAM)

Là encore, la procédure de constat d’abandon manifeste jusqu’alors possible en ORT est étendue aux GOU 6)L. 2243-1-1 CGCT..

Le maire pourra alors constater l’état d’abandon manifeste d’un terrain et engager une procédure visant sa réhabilitation soit par le propriétaire, soit par la collectivité dans le cadre d’une expropriation.

5             Le recours au permis d’innover

La loi porte par ailleurs à 12 ans au lieu de 7 la durée d’expérimentation du permis d’innover, soit jusqu’au 23 novembre 2030, permettant aux pétitionnaires, notamment dans le périmètre d’une GOU, de demander à déroger aux règles de construction opposables à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé.

6             L’expérimentation de la loi 3DS étendue aux GOU

Les communautés d’agglomération et les communautés de communes ayant signé, non plus uniquement une convention d’ORT mais également un contrat de PPA comprenant un périmètre de GOU portant en tout ou partie sur la transformation d’une ZAE, pourront participer à l’expérimentation prévue par la loi 3DS.

L’autorité administrative compétente en matière de permis pourra alors délivrer un permis de construire entrant dans le champ de l’article L. 752-1 du code de commerce sans solliciter l’avis de la CDAC, la réglementation de l’aménagement commercial étant pleinement intégrée dans le SCoT et le PLU validés au-préalable par la CNAC.

7             Les autres outils qui existaient déjà en PPA/GOU

Le fait que la loi ait décidé de porter les requalifications des entrées de villes à travers le dispositif PPA/GOU permettra par ailleurs aux autorités administratives et aux opérateurs privés de bénéficier de certains outils préexistants mais non modifiés par la loi Industrie Verte. Il s’agit notamment de :

7.1          La PIGOU : qui est une procédure visant à accélérer la réalisation des opérations d’aménagement qualifiées de GOU. Concrètement, il s’agit d’une procédure intégrée permettant de mettre en compatibilité les documents de planification (SDRIF, PADDUC, SAR, SRADDET, SCOT et PLU(i) ou document en tenant lieu) par une procédure d’exception 7)L. 300-6-1 c. urb..

7.2          La mobilisation des biens comme « sans maître » dans le cadre d’une succession ouverte pour laquelle aucun successible ne s’est présenté dans un délai de dix ans (au lieu de trente ans en principe) 8)L. 1123-1 CG3P..

7.3          Le recours possible au permis d’aménager multi-sites qui est un permis d’aménager portant sur des unités foncières non contiguës lorsque l’opération d’aménagement garantit l’unité architecturale et paysagère des sites concernés 9)L.312-2-1 c. urb..

7.4          Le bénéfice d’un abattement exceptionnel (de 70% ou 85%) applicable sur les plus-values immobilières résultant de la cession de biens immobiliers bâtis, ou de droits relatifs à ces mêmes biens dans le périmètre d’une GOU 10)Art. 150 VE CGI. ;

7.5          La possibilité pour l’État de céder à l’amiable des terrains bâtis ou non bâtis de son domaine privé, pour la réalisation d’opérations d’aménagement 11)L. 3211-6 CG3P..

 

 

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References   [ + ]

1. Article 1er de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
2. Nouvel article L. 312-5-1 du code de l’urbanisme : « Par dérogation au 1° de l’article L. 312-5, la compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable peut s’exercer dans les conditions prévues à l’article L. 422-1 dans tout ou partie du périmètre de la grande opération d’urbanisme.

Dans ce cas, par dérogation au 5° de l’article L. 312-5, la compétence pour conclure une ou plusieurs conventions de projet urbain partenarial peut s’exercer dans les conditions prévues au 3° du I de l’article L. 332-11-3 dans tout ou partie du périmètre de la grande opération d’urbanisme pour un projet mentionné au premier alinéa du présent article.

Cette possibilité est ouverte par l’acte décidant de la qualification de grande opération d’urbanisme prévu à l’article L. 312-4 ou par tout acte ultérieur pris dans les mêmes formes ».

3. Article L. 318-8-1 du code de l’urbanisme.
4. L. 214-2-1 c. urb.
5. L. 152-6-4 c. urb.
6. L. 2243-1-1 CGCT.
7. L. 300-6-1 c. urb.
8. L. 1123-1 CG3P.
9. L.312-2-1 c. urb.
10. Art. 150 VE CGI.
11. L. 3211-6 CG3P.

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