
Catégorie
Date
Temps de lecture
Par une décision du 30 juillet 2024, le Conseil d’Etat rappelle que l’avis du jury de concours ne lie pas l’acheteur et que ce dernier peut porter son choix définitif sur un autre candidat que celui classé premier par le jury.
La communauté d’agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes a lancé, en 2016, un concours restreint en vue de la conclusion d’un marché de maîtrise d’œuvre pour la reconversion d’une ancienne caserne militaire en médiathèque et archives intercommunales. Lors du choix du lauréat, la communauté d’agglomération s’est écartée de l’avis du jury et a attribué le marché au groupement R., classé en deuxième position.
Les membres du groupement B., dont le projet avait été classé premier par le jury, ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en contestation de la validité du contrat, dans le cadre duquel ils ont sollicité, d’une part, l’annulation ou la résiliation du marché et, d’autre part, l’indemnisation des préjudices qu’ils estiment avoir subi du fait de leur éviction.
Le juge de première instance a rejeté leur requête, mais la Cour administrative d’appel de Lyon a quant à elle considéré que l’attribution du marché au candidat classé en deuxième position par le jury du concours n’était pas « manifestement justifiée » 1)CAA Lyon 24 novembre 2022, req. n° 20LY00105. La Cour a rejeté les conclusions dirigées contre le contrat, rappelant que le marché avait été complètement exécuté, mais a estimé que cette irrégularité avait fait perdre au groupement B. une chance sérieuse d’obtenir le marché et a donc condamné la communauté d’agglomération à l’indemniser de son manque à gagner.
C’est dans ce contexte que la communauté d’agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, qui en profite pour réaffirmer que l’acheteur n’est pas tenu de suivre l’avis émis par le jury du concours.
Selon la juridiction, il ressort des dispositions de l’article 88 du décret du 25 mars 2016 alors en vigueur selon lesquelles « L’acheteur choisit le ou les lauréats du concours au vu des procès-verbaux et de l’avis du jury » (depuis reprises à l’article R. 2162-19 du code de la commande publique), que l’acheteur peut s’écarter de cet avis et porter son choix sur un candidat ayant participé au concours autre que celui classé premier par le jury.
La jurisprudence est d’ailleurs constante à cet égard : l’avis du jury n’a qu’un caractère consultatif 2)CE 10 octobre 1994 Commune de Béziers, req. n°121257 : Rec. CE.
Le Conseil d’Etat censure donc la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Lyon qui, comme le relève le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions, « conduit à donner à l’avis du jury une portée particulière, impliquant une exigence de justification renforcée par l’acheteur public de son choix et surtout un contrôle juridictionnel approfondi de ce choix, dont les motifs doivent « manifestement prévaloir » sur ceux du jury. »
Ce faisant, le Conseil d’Etat rappelle également que le contrôle du juge sur le choix du candidat est restreint.
Réglant l’affaire au fond, il considère que la communauté d’agglomération n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant un autre projet que celui proposé par le jury et en rejetant l’offre du groupement B. aux motifs qu’elle dépassait l’enveloppe prévisionnelle des travaux et nécessiterait de lourdes adaptations fonctionnelles.
L’arrêt de la Cour administrative de Lyon est partiellement annulé et les conclusions des membres du groupement B. sont rejetées.
References