Le cahier des charges d’une zone d’aménagement concertée, même s’il est caduc, peut revêtir une valeur contractuelle dont les clauses engagent les propriétaires successifs

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2021

Temps de lecture

4 minutes

Cass. Civ. 3ème 4 mars 2021, req. n° 19-22.987 : publié au bulletin

Par acte notarié du 1er juillet 2014, des particuliers ont acquis une parcelle située dans une zone d’aménagement concertée (ci-après « ZAC ») créée le 30 mai 2005 et supprimée le 17 décembre 2013. Pendant l’été 2014, ils ont fait construire une piscine et un local technique implanté en limite de propriété.

Les propriétaires de la parcelle voisine les ont assignés en référé devant le juge judiciaire, ainsi que le constructeur, pour obtenir la démolition du local technique, en invoquant le non-respect du cahier des charges de la ZAC et la violation du plan local d’urbanisme.

Statuant en référé dans un arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Nîmes a rejeté la demande des voisins aux motifs que :

  • d’une part la ZAC a été supprimée avant la date d’acquisition de leur bien par les propriétaires qui entendaient réaliser une piscine,
  • et d’autre part que le seul rappel par leur acte de vente de certaines clauses et conditions du cahier des charges de la ZAC, devenu caduc en application de l’article 311-6 alinéa 3 du code de l’urbanisme ne crée pas à la charge des propriétaires de la piscine et du local technique une obligation de nature contractuelle dont les propriétaires voisins pourraient se prévaloir pour obtenir la démolition du local technique. La cour relevant d’ailleurs à cet égard que les clauses et conditions rappelées dans l’acte de vente ne faisaient pas référence à la prescription architecturale sur laquelle les voisins se fondaient.

De fait, dans sa rédaction en vigueur à la date de la construction litigieuse, l’article L. 311-6 du code de l’urbanisme prévoyait, certes, que le cahier des charges de cession de terrain peut fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales, mais en précisant qu’elles étaient « imposées pour la durée de la réalisation de la zone ». Et, surtout, dans son troisième alinéa, il prévoyait que « Le cahier des charges devient caduc à la date de la suppression de la zone » 1)En réservant l’hypothèse – qui n’était pas en cause dans cette affaire – des cahiers des charges signés avant l’entrée en vigueur de la loi SRU du 13 décembre 2000..

Suite au rejet de leur demande par la cour d’appel de Nîmes, les propriétaires voisins se sont pourvus en cassation devant la Cour de cassation.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation fait droit à leur pourvoi en se fondant sur l’article 1134 al. 1er du code civil, devenu l’article 1103 du code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Ainsi, la Haute juridiction juge que la caducité des cahiers des charges de cession de terrains situés à l’intérieur d’une ZAC lorsque celle-ci est supprimée, prévue par l’alinéa 3 de l’article L. 311-6 du code de l’urbanisme, « ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti ».

A notre sens, encore faut-il déterminer si les propriétaires ont consenti à ce que les stipulations du cahier des charges continuent de régir leurs rapports une fois ce cahier devenu caduc en raison de la suppression de la ZAC.

Sur ce point, la Cour de cassation considère que la reproduction dans l’acte de vente de certaines clauses du cahier des charges de la ZAC peut leur conférer une valeur contractuelle, nonobstant le fait que ce cahier des charges soit devenu caduc par l’effet de la loi.

Au cas d’espèce, elle juge en effet, ensuite, qu’en « se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l’acte de vente, des stipulations du cahier des charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s’ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d’urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l’aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s’imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Apparemment, toutes les stipulations du cahier des charges n’étaient pas reprises dans l’acte de vente mais, si l’on comprend bien, celles reprises étaient précisément des stipulations prévoyant qu’un certain nombre de règles devraient être reprises dans tous les actes de vente successifs. Il appartiendra donc à la cour d’appel de déterminer si les parties ont entendu conférer un caractère contractuel aux stipulations du cahier des charges.

Ce faisant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation applique un raisonnement qui n’est pas sans rappeler celui adopté en matière de cahiers des charges d’un lotissement. En effet, selon une jurisprudence constante et établie, le cahier des charges d’un lotissement constitue, quelle que soit sa date, un document contractuel opposable à tous les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, ce qui peut conduire au maintien des règles d’urbanisme qu’il contient alors même qu’elles seraient devenues caduques (Cass. Civ. 3ème 18 décembre 1991, req. n° 89-21.046 ; Cass. Civ. 3ème 27 mars 1991, req. n° 89-19.667 ; Cass. Civ. 3ème 21 janvier 2016, req. n° 15-10.566 ; Cass. Civ. 3ème 14 septembre 2017, req. n° 16-21.329).

 

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References   [ + ]

1. En réservant l’hypothèse – qui n’était pas en cause dans cette affaire – des cahiers des charges signés avant l’entrée en vigueur de la loi SRU du 13 décembre 2000.

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