Le Conseil d’Etat condamne une nouvelle fois l’Etat pour son action insuffisante contre la pollution de l’air

Catégorie

Environnement

Date

October 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 17 octobre 2022 Association les Amis de la terre France et autres, req. n° 428409 : publié au recueil Lebon

Saisi par de multiples associations de défense de l’environnement, le Conseil d’Etat a une nouvelle fois analysé les différentes mesures adoptées par l’Etat pour ramener les niveaux de concentration en dioxyde d’azote et en particules fines PM 10 en deçà des valeurs fixées à l’article R. 221-1 du Code de l’environnement dans des zones énumérées.

1.      Bref rappel de la procédure contentieuse antérieure

La décision du 17 octobre 2022, condamnant l’Etat pour la qualité de son air dans certaines zones déterminées, s’inscrit dans une suite de jurisprudences du Conseil d’Etat.

Par une décision du 12 juillet 2017 1)CE, 12 juillet 2017, n° 394254, saisi par l’association Les amis de la Terre de France, le Conseil d’Etat a :

  • D’une part, annulé la décision implicite du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l’environnement et de la santé refusant d’établir des plans conformes à l’article 23 de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 2)Article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe
  • D’autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit mis en œuvre, pour chacune des Zones Administratives de Surveillance (ZAS) énumérées dans la décision, un plan relatif à la qualité de l’air visant à ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM 10 sous les valeurs limites fixées par le Code de l’environnement.

Par une décision du 10 juillet 2020 3)CE, 10 juillet 2020, n° 428409 – Voir en ce sens notre article intitulé Pollution de l’air : le Conseil d’Etat ordonne au Gouvernement d’agir, sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, le Conseil d’Etat a prononcé une astreinte d’un montant de 10 millions d’euros par semestre de retard à l’encontre de l’Etat s’il ne justifie pas, dans les six mois, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017.

Après avoir constaté que l’Etat n’avait pas entièrement exécuté les décisions précédentes, le Conseil d’Etat, par une décision du 4 août 2021 4)CE, 4 août 2021, n° 428409 – Voir en ce sens notre article intitulé : Pollution de l’air : le Conseil d’Etat passe à la vitesse supérieure en liquidant l’astreinte de 10 millions d’euros à laquelle l’Etat avait été condamné, a procédé à une liquidation provisoire de l’astreinte pour le premier semestre 2021 (du 11 janvier au 11 juillet 2021).

Considérant que les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 n’ont pas été pleinement exécutées par l’Etat, plusieurs associations ont une nouvelle fois saisi le Conseil d’Etat, d’une part, pour qu’il procède à la liquidation provisoire de l’astreinte pour le deuxième semestre de 2021 et le premier semestre de 2022 (du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022), et d’autre part, pour qu’il majore le montant de l’astreinte à 20 millions d’euros par semestre de retard.

2.      La décision du 17 octobre 2022

Le Conseil d’Etat a examiné si les mesures adoptées depuis l’intervention de la décision du 4 août 2021 suffisent à ramener ce taux de concentration en deçà de la valeur limite.

  • S’agissant des mesures relatives à l’aide à l’acquisition de véhicules moins polluants, à l’accompagnement du développement des mobilités douces et en faveur du déploiement de bornes de recharges électriques, le Conseil d’Etat considère que leur contribution à l’objectif de réduction du dioxyde d’azote n’est pas suffisamment établie, au motif que ce sont des « mesures générales, valables pour l’ensemble du territoire national, [qui] ne sont pas déterminées pour les zones présentant encore des dépassements des valeurs limites ».
  • S’agissant de la mesure tendant au développement et renforcement des Zone à Faible Emission mobilité (ZFE-m), la haute juridiction retient que « le calendrier de mise en œuvre obligatoire de ces restrictions de circulation demeure très étalé dans le temps et leur généralisation à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants ne concerne pas les zones présentant des dépassements des valeurs limites ».
  • S’agissant des procédures de révision de Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), pour certains « l’objectif de respect des valeurs limites mis en avant demeure très éloigné », et ne semble pas suffire à limiter la période de dépassement.

En substance, si la situation s’est certes améliorée, cette amélioration n’est pas suffisante pour la Haute juridiction.

Des lors, au motif que les éléments produits sont insuffisants par rapport à l’objectif de diminuer les niveaux de concentration de dioxyde d’azote, le Conseil d’Etat a jugé que « l’Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces zones ».

A ce titre, en prenant en compte les améliorations depuis l’intervention des décisions antérieures, il refuse de majorer l’astreinte, et procède à une nouvelle liquidation provisoire de l’astreinte pour les deux semestres du 12 juillet 2021 au 12 juillet 2022 d’un montant de 20 millions d’euros. La facture s’élève désormais à 30 millions d’euros pour l’Etat.

 

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