Le Conseil d’Etat précise les évènements faisant obstacle au droit au paiement direct du sous-traitant

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2023

Temps de lecture

4 minutes

CE 17 octobre 2023 SIEL Territoire d’énergie Loire, req. n° 469071 : mentionné aux T. du Rec. CE

CE 17 octobre 2023 Commune de Viry-Châtillon, req. n° 465913 : mentionné aux T. du Rec. CE

Par deux décisions du 17 octobre 2023, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles le sous-traitant du titulaire d’un marché public a droit au paiement direct de ses prestations par le maître d’ouvrage public.

1.

Dans la première affaire (n°469071), le Conseil d’Etat se prononce sur les conséquences d’une opposition du titulaire du marché au paiement direct de son sous-traitant.

En l’espèce, le Syndicat intercommunal d’énergies du département de la Loire (SIEL Territoire d’énergie Loire) a refusé de procéder au paiement direct de la société NGE Infranet, sous-traitante de la société SERP, membre du groupement d’entreprises chargées du marché, après que cette dernière a manifesté son opposition expresse au paiement direct par le maître d’ouvrage. La société NGE Infranet, requérante, a demandé au juge administratif de condamner le SIEL Territoire d’énergie Loire au paiement des prestations qu’elle a réalisé.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler la procédure de paiement direct du sous-traitant par le maître d’ouvrage issue des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

Aux termes de son article 6, le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agrées par le maître d’ouvrage est directement payé par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution. L’article 8 précise la procédure à suivre pour mettre en œuvre ce droit au paiement direct : l’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation.

Les modalités de cette procédure sont détaillées par l’article 116 du code des marchés publics alors en vigueur dans ces deux affaires 1)Cf. désormais articles R. 2193-10 à R. 2193-16 du code de la commande publique.

Il résultait déjà d’un arrêt de 2017 que l’absence de communication de la demande du sous-traitant à l’entrepreneur principal fait obstacle au paiement direct 2)CE 19 avril 2017 Département de l’Hérault, req. n° 396174.

Les juges du Palais Royal précise ici qu’il en va de même lorsque le titulaire du marché notifie son refus motivé d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant dans le délai de quinze jours à compter de sa réception.

Comme le signale le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions, cette précision quant aux conséquences que le maître d’ouvrage doit tirer d’une opposition de l’entrepreneur est inédite dans la jurisprudence du Conseil d’Etat.

En l’espèce, le donneur d’ordre de la société NGE Infranet a bien notifié son opposition expresse et motivée au paiement direct dans le délai de quinze jours suivant la réception de la demande de son sous-traitant, ce qui autorisait le SIEL Territoire d’énergie Loire à refuser de procéder au paiement direct.

2.

Dans la seconde affaire (n° 465913), le Conseil d’Etat conclut, à l’inverse, au caractère non fondé du rejet, par le maître d’ouvrage, de la demande de paiement direct adressée par le sous-traitant.

En l’espèce, la commune de Viry-Châtillon et la société S3C Construction ont conclu un marché public de travaux portant sur la réhabilitation d’écoles maternelles. Le titulaire a confié à la société Maugin la fabrication de menuiseries. Ce sous-traitant a été accepté et le montant des sommes à lui verser agréé, puis réduit par un acte spécial modificatif.

C’est dans ce contexte que la société Maugin a demandé au juge administratif la condamnation de la commune à lui verser les sommes pour lesquelles elle s’est vue opposer un refus de paiement direct.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que seules les prestations relatives à l’exécution d’une part du marché relevant effectivement du champ d’application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont susceptibles d’ouvrir droit au paiement direct du sous-traitant.

La simple remise de fournitures à l’entrepreneur principal n’entre pas dans ce cadre 3)CE 26 septembre 2007 Conseil général du Gard, req. n° 255993.

En l’espèce, le contrat liant la société Maugin à la société S3C Construction présente bien le caractère d’un contrat de sous-traitance, car il porte sur « des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé » qui « ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat fait application de sa jurisprudence selon laquelle il résulte des dispositions de l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 que « si l’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi, par le sous-traitant, d’une demande tendant à son paiement direct par le maître d’ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d’avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement » 4)CE 21 février 2011 Communauté urbaine du Cherbourg, req. n° 318364.

En l’espèce, si la société S3C Construction s’était bien opposée à une première demande de paiement direct de son sous-traitant, elle n’avait en revanche pas répondu dans le délai imparti de quinze jours à la seconde demande adressée par la société Maugin.

Par suite, le titulaire du marché est regardé comme ayant définitivement accepté la demande de paiement de son sous-traitant, et la commune de Viry-Châtillon n’est donc pas fondée à lui refuser le paiement direct.

 

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References   [ + ]

1. Cf. désormais articles R. 2193-10 à R. 2193-16 du code de la commande publique
2. CE 19 avril 2017 Département de l’Hérault, req. n° 396174
3. CE 26 septembre 2007 Conseil général du Gard, req. n° 255993
4. CE 21 février 2011 Communauté urbaine du Cherbourg, req. n° 318364

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