Le Conseil d’Etat valide les dispositions reconnaissant aux préfets un droit de dérogation à des normes arrêtées par l’administration

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

April 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 21 mars 2022 Les amis de la Terre France et autres, req. n°440871 : publié au recueil Lebon

Par un arrêt rendu en date du 21 mars 2022 le Conseil d’Etat a refusé d’abroger les dispositions issues du décret du 8 avril 2020 entérinant un dispositif tendant à reconnaitre aux préfets, dans le cadre de prise de décisions individuelles, un droit de dérogation à des normes arrêtées par l’administration.

Le Conseil d’État a été saisi par deux requêtes pour excès de pouvoir par l’association des amis de la Terre France et autres associations d’une part et par l’association UFC Que Choisir d’autre part.

Ces dérogations, par les préfets, dans le cadre de prise de décisions individuelles, à des normes arrêtées par l’administration peuvent intervenir dans un certain nombre de matières énumérées exhaustivement parmi lesquelles on retrouve notamment l’aménagement du territoire et la politique de la ville, l’environnement, l’agriculture et la forêt et la construction de logements et l’urbanisme.

Ces dérogations sont conditionnées à la réunion de conditions cumulatives : la dérogation doit poursuivre un motif d’intérêt général, répondre à des circonstances locales et ne doit pas conduire à traiter différemment des situations analogues.

1.    Un décret n’ayant pas un impact direct et significatif sur l’environnement n’emportant donc pas la mise en œuvre d’une procédure d’information et de participation du public

Le premier moyen invoqué relevait de la méconnaissance du principe d’information et de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement découlant de l’article 7  de la charte de l’environnement et précisé à l’article L123-19-1 code de l’environnement. Ces procédures d’information et de participation revêtent un caractère obligatoire dès lors que les décisions ont un impact significatif et direct sur l’environnement. Dans la mesure où ces dérogations ne peuvent avoir pour effet que d’alléger les démarches administratives, réduire les délais de procédure ou favoriser l’accès aux aides publiques, il ne peut être caractériser d’impact direct et significatif, le Conseil d’Etat écarte ce moyen.

Le second moyen invoqué par les requérants était relatif à la méconnaissance de l’article R.361-2 du code de la construction et de prévoyant la consultation du conseil national de l’habitat sur des dispositions relevant du barème de l’aide personnelle au logement et sur toute mesure relative à ses modalités de financement et de versement ainsi que sur les mesures destinées à favoriser la mixité sociale ou à réhabiliter l’habitat.

Néanmoins bien que l’article 1er du décret attaqué mentionne, dans les matières énumérées, le logement et bien que l’article 2 dispose que la dérogation puisse avoir pour objet de favoriser l’accès aux aides publiques, les dispositions du décret attaqué ne peuvent, selon le Conseil d’Etat, être regardées comme une mesure destinée à la réhabilitation de l’habitat ou de modification du régime d’aides à l’accession à la propriété. Ce deuxième moyen est donc écarté.

2.   Un pouvoir de dérogations aux seules normes arrêtées par l’administration ne caractérisant ni une violation du principe de non régression en matière environnementale ni une violation du principe de séparation des pouvoirs

Les requérants arguent du fait que la dérogation méconnaitrait le principe de séparation des pouvoirs et de non régression en matière environnementale inscrit à l’article L110-1 du code de l’environnement. Cette dérogation accordée aux préfets ne vaut que pour des normes édictées par l’administration telles que des décrets ou arrêtés et n’a pas pour effet de permettre aux préfets de s’affranchir de normes réglementaires prises pour garantir les principes posés par la loi en ce sens il ne peut être soutenu que ce décret méconnait le principe de séparation des pouvoirs. Dans la mesure où il ne peut être dérogée qu’à des normes édictées par l’administration et non à des normes règlementaires visant à garantir le respect de principes consacrés par la loi, qui seraient, d’une certaine manière, « transparentes » au regard d’une norme législative qui en serait son fondement, tel qu’un décret d’application. Ainsi il ne peut y avoir de violation du principe de non régression en matière environnementale, introduit par la loi n°2016-1087 du 8 aout 2016 impliquant que l’administration ne puisse revenir sur des normes législatives ou réglementaires relatives à la protection de l’environnement.

3.   Une dérogation soumise au respect du principe d’égalité en ne permettant pas aux préfets de traiter différemment des situations analogues

Tout en précisant les objectifs poursuivis par ces dérogations, comme l’allégement des démarches administratives, la réduction des délais de procédure et la favorisation de l’accès aux aides publiques. Les dérogations ne pouvant être mises en œuvre qu’à la condition d’être justifiées par un motif d’intérêt général, de ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni de porter d’atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. Les juges du palais royal sont venus spécifier que ces dérogations ne pouvaient avoir pour effet de traiter des situations analogues, les préfets étant tenus de traiter de la même manières les situations similaires localisée sur la même localité et connaissant donc les mêmes circonstances particulières.

 

 

 

 

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