Le débiteur de la taxe d’aménagement en cas de co-bénéficiaires d’un permis ne valant pas division

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 17 mars 2022, req. n° 453610 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE

Le Conseil d’Etat a considéré, dans un arrêt du 19 juin 2019 1)CE 19 juin 2019, req. n° 413967 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE – commenté sur ce blog., que lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales pour la construction de bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance avant l’achèvement des travaux, les redevables de la taxe d’aménagement dont ce permis est le fait générateur sont les titulaires de celui-ci, chacun d’entre eux étant redevable de l’intégralité de la taxe due à raison de l’opération de construction autorisée. Dès lors, l’administration compétente peut mettre cette taxe à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires à la condition que le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis.

Le Conseil d’Etat a étendu cette solution au permis ne valant pas division délivré à plusieurs bénéficiaires.

En l’espèce, trois couples « M », « K » et « L » avaient obtenu du maire de Rueil-Malmaison, un même permis de construire pour étendre des constructions individuelles, en 2016. L’administration avait alors envoyé un courrier au couple « M » pour l’informer du montant total de la taxe d’aménagement. Ce couple avait envoyé deux chèques correspondant, selon lui, aux sommes dues par eux-mêmes et par le couple « K », en précisant que le solde était à la charge du dernier couple, le couple « L ». L’administration lui avait néanmoins répondu qu’il demeurait débiteur du solde de la taxe, à charge pour lui de se retourner contre les autres titulaires du permis.

Le couple « M » avait alors formé un recours à l’encontre de cette décision, en demandant au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge du solde de la taxe.

Le tribunal a fait droit à cette demande, en se fondant sur le fait que le terrain avait fait l’objet d’une division avant la demande de permis et que l’administration disposait de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires, de sorte qu’il lui appartenait de répartir le montant de la taxe entre chaque bénéficiaire du permis.

Il est vrai que la solution adoptée le 19 juin 2019 par le Conseil d’Etat avait été proposée par Mme le rapporteur public Nicolazo de Barmon au motif, notamment, que « Le permis de construire délivré en l’espèce ne mentionne que la surface cumulée de plancher autorisée, sans distinguer sa répartition entre les habitations des époux E… et de M. L…. Les documents que les auteurs des autorisations de construire doivent transmettre aux services de l’Etat chargés d’établir la taxe d’aménagement en application de l’article R. 331-10 du code de l’urbanisme ne précisent pas non plus la ventilation des surfaces à construire entre les bénéficiaires en cas de permis à une pluralité de demandeurs, notamment pas le formulaire de déclaration des éléments nécessaires au calcul de la taxe. Dans ces conditions, un recouvrement fractionné ne peut être mis en œuvre, sauf à exiger du service instructeur qu’il demande systématiquement cette information complémentaire aux différents bénéficiaires du permis. Même s’il y a matière à hésitation, tant la critique du requérant relève à première vue du bon sens, il nous semble que le ministre a raison, en droit si ce n’est en équité, de soutenir que chacun des bénéficiaires de l’autorisation d’urbanisme est redevable de la taxe due à raison de l’ensemble du projet autorisé, et que l’administration a le libre choix de se tourner vers l’un ou l’autre ou vers l’ensemble des bénéficiaires de permis pour obtenir le paiement de sa créance ».

Saisi d’un pourvoi à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le Conseil d’Etat a cependant considéré que l’administration conservait sa faculté de mettre la taxe à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires et a ainsi censuré la décision des premiers juges. Cette faculté est en effet conservée, selon le Conseil d’Etat, malgré les circonstances retenues par le tribunal tenant à ce que d’une part, le terrain avait fait l’objet d’une division avant la demande de permis et, d’autre part, l’administration avait connaissance de la répartition des surfaces de plancher entre les titulaires du permis.

Puis, en jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat confirme sa décision pragmatique et favorable à l’administration en date du 19 juin 2019 en considérant que le couple « M » était, en sa qualité de bénéficiaire du permis de construire accordé en 2016, et comme les autres titulaires de ce permis, redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement due à raison des constructions autorisées. Par suite, l’administration pouvait légalement émettre un titre de perception à son encontre pour obtenir le recouvrement de l’intégralité de cette taxe, sans préjudice de la faculté pour le couple « M » de réclamer aux autres bénéficiaires du permis de construire le reversement de la part de la taxe correspondant aux constructions dont la propriété leur a été dévolue à la suite de la division du terrain.

 

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References   [ + ]

1. CE 19 juin 2019, req. n° 413967 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE – commenté sur ce blog.

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