Les conditions de dérogation au principe de “constructibilité limitée” pour les communes couvertes par un SCOT en cours d’élaboration

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2014

Temps de lecture

4 minutes

Dans une décision du 26 mars 2014 Commune de Saumane-de-Vaucluse 1) CE 26 mars 2014 Commune de Saumane-deVaucluse, req. n° 369007., le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi contre la suspension de l’exécution de la délibération d’un conseil municipal approuvant la révision du plan local d’urbanisme (PLU) qui prévoyait l’ouverture à l’urbanisation de terrains auparavant situés dans une zone agricole, au motif que la procédure de dérogation à la règle dite de « constructibilité limitée » de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme n’avait pas été respectée.

Ce principe fait obstacle, dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCOT), à la modification ou à la révision du PLU en vue d’ouvrir à l’urbanisation des zones non urbanisées.

Toutefois, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans la décision commentée, cette règle ne s’applique qu’à certaines communes jusqu’au 1er janvier 2017.

En effet, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 2) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II ». alors applicable, l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme prévoyait l’extension progressive de la « constructibilité limitée » :

► jusqu’au 31 décembre 2012, la règle ne s’appliquait qu’aux communes situées à moins de 15 km du rivage de la mer ou à moins de 15 km de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants ;

► du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016, la règle ne s’appliquait qu’aux communes situées à moins de 15 km du rivage de la mer ou à moins de 15 km de la périphérie d’une agglomération de plus de 15 000 habitants ;

► enfin, à compter du 1er janvier 2017 était prévue sa généralisation à l’ensemble des communes non couvertes par un SCOT.

Par ailleurs, la Haute Juridiction rappelle les conditions dans lesquelles les communes relevant du champ d’application du principe de « constructibilité limitée » peuvent y déroger.

A cette fin, elles doivent obtenir l’accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et de la chambre d’agriculture, ou, jusqu’au 31 décembre 2016, si le périmètre d’un SCOT incluant la commune a été arrêté, recueillir l’accord de l’établissement public chargé de l’élaboration du SCOT.

En l’espèce, la commune de Saumane-de-Vaucluse, à la date de la délibération attaquée – soit au 16 octobre 2012 – « avait été intégrée dans l’agglomération d’Avignon sans être couverte par un SCOT ».

Alors que le périmètre du projet de SCOT arrêté le 23 mai 2012 couvrait bien la commune, celle-ci n’avait pas sollicité l’accord de l’établissement public chargé du schéma avant de réviser son PLU en vue d’ouvrir à l’urbanisation des terrains situés en zone agricole.

Estimant que la commune avait de la sorte méconnu les dispositions de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme, le préfet du Vaucluse a, dans le cadre du contrôle de légalité, déféré la délibération du 16 octobre 2012 approuvant la révision du PLU. Il a assorti son recours en annulation d’une demande de suspension, sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative.

C’est cette requête qui a été accueillie par le juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille qui a jugé que « le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions [de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme] était de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération contestée ».

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi exercé par la commune de Saumane-de-Vaucluse.

Cette décision a été rendue la veille de l’entrée en vigueur des dispositions issues de la loi « ALUR » 3) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, entrée en vigueur le 27 mars 2014..

En premier lieu, il convient de relever que les nouvelles dispositions des articles L. 122-2 et L.122-2-1 du code de l’urbanisme, reprennent et durcissent le régime de la « constructibilité limitée ».

Alors que les dispositions des points I, II et III sont applicables à toutes les communes non couvertes par un SCOT, le point IV maintient le champ d’application partiel de la règle de la « constructibilité limitée » jusqu’au 31 décembre 2016, dans les conditions définies par la version antérieure (évoquée précédemment).

En outre, si le 1er aliéna du nouvel article L. 122-2-1 du code de l’urbanisme ne vise plus qu’une seule procédure de dérogation à la constructibilité limitée, le 2ème alinéa permet, jusqu’au 31 décembre 2016, aux établissements publics chargés de l’élaboration d’un SCOT dont le périmètre a été arrêté, d’autoriser les communes couvertes par ce SCOT à modifier ou réviser leur PLU en vue d’ouvrir à l’urbanisation des zones non urbanisées.

Toutefois, cet accord doit désormais être donné après la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA), avis qui n’était requis, sous l’empire des dispositions antérieures, que dans l’hypothèse d’une dérogation autorisée par le préfet.

La loi ALUR institue donc une procédure plus formalisée pour les dérogations mises en œuvre dans le cadre de l’élaboration d’un SCOT et surtout restreint les motifs justifiant le refus de dérogation.

En second lieu, les dispositions issues de la loi ALUR clarifient les zones pour lesquelles l’ouverture à l’urbanisation est interdite en l’absence de couverture par un SCOT et pallient à une erreur datant de la loi SRU.

Aux zones à urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002 et aux zones naturelles visées par les dispositions issues de la loi du 12 juillet 2010, le législateur a ajouté les zones agricoles et forestières et les secteurs non constructibles des cartes communales.

Notons que, dans la décision commentée, le Conseil d’Etat valide l’application du principe de « constructibilité limitée » à des terrains situés en zone agricole, zone désormais expressément mentionnée par la nouvelle rédaction de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme.

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1. CE 26 mars 2014 Commune de Saumane-deVaucluse, req. n° 369007.
2. Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II ».
3. Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, entrée en vigueur le 27 mars 2014.

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