Loi Climat : focus sur l’ajout du critère d’absence d’artificialisation des sols pour l’attribution des autorisations d’exploitation commerciale

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

August 2021

Temps de lecture

5 minutes

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat », comporte de très nombreuses dispositions. Elle s’organise en huit titres : Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte vert pour l’Europe, Consommer, Produire et travailler, Se déplacer, Se loger, Se nourrir, Renforcer la protection judiciaire de l’environnement, et Dispositions relatives à l’évaluation climatique et environnementale. La plupart des mesures du projet de loi ont été promulguées (pour un exposé détaillé des mesures prévues par le projet de loi : voir notre article).

Plus spécifiquement, la loi Climat ajoute l’absence d’artificialisation des sols au nombre des critères d’attribution des autorisations d’exploitation commerciale (ci-après « AEC ») prévus à l’article L. 752-6 du code de commerce (1). Saisi par 60 députés et sénateurs, le Conseil constitutionnel a toutefois admis la constitutionnalité de cette nouvelle disposition, par une décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021 (2).

Les déclarations d’inconstitutionnalité prononcées par le Conseil constitutionnel ont principalement visé des mesures qualifiées de « cavaliers législatifs », issues d’amendements en première lecture, mais ne présentant pas de lien avec le texte déposé ou transmis, en méconnaissance de l’article 45 de la Constitution (3).

1          Ajout de l’absence d’artificialisation des sols au nombre des critères d’attribution des AEC

 Les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce définissent les critères susceptibles de fonder un refus d’AEC. L’article 215 de la loi commentée y ajoute un V énonçant notamment que : « L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme […] ».

L’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, auquel il est renvoyé, définit l’artificialisation comme : « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

Le principe souffre d’exceptions : une autorisation peut être délivrée si le pétitionnaire démontre dans l’étude d’impact que son projet s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des critères suivants :

  • l’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la ville ;
  • l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, pour favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
  • la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
  • l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT entré en vigueur avant la publication de la loi climat ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi entré en vigueur avant la publication de la même loi.

Seuls les projets suivants sont toutefois susceptibles de bénéficier des dérogations ainsi prévues à l’application du critère d’absence d’artificialisation des sols :

  • la création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m² ;
  • l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial dès lors que la surface de vente totale dudit magasin ou ensemble commercial reste inférieure à 10 000 m² ;
  • l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l’extension de surface de vente soit inférieure à 1 000 m².

En outre, pour tout projet d’une surface de vente supérieure à 3 000 m² et inférieure à 10 000 m², l’article L. 752-6 du code de commerce prévoit que la dérogation ne sera accordée qu’après avis conforme du représentant de l’Etat.

Les modalités d’application de ce nouveau dispositif ainsi que les projets susceptibles d’être considérés comme engendrant une artificialisation des sols seront précisés par décret. 

2          Constitutionnalité des modifications apportées

La nouvelle rédaction de l’article L. 752-6 du code de commerce a été soumise à la censure du Conseil constitutionnel par 60 députés et sénateurs au motif qu’elle créerait une différence de traitement injustifiée entre entreprises, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, en ce qu’elles ne s’appliqueraient pas aux entrepôts des entreprises de commerce en ligne, quand bien même leur implantation ou leur extension engendrerait une artificialisation des sols.

Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a cependant écarté cette critique en jugeant que :

« Les dispositions contestées se limitent à introduire une nouvelle condition au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale. Or, ce régime a pour objet principal d’assurer une répartition des surfaces commerciales favorisant un meilleur aménagement du territoire. Il résulte de l’article L. 752-1 du code de commerce qu’il ne s’applique pas aux entrepôts.

Dès lors, les dispositions contestées ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les entreprises de commerce en ligne et celles qui exercent une activité de commerce au détail ».

3          Mesures censurées du projet de loi

Plusieurs dispositions ont été déclarées contraires à la constitution au motif qu’elles résultaient d’amendements déposés en première lecture, sans toutefois présenter de lien avec le texte déposé ou transmis 1)Article 45 de la Constitution. :

  • l’attribution à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, d’une part, de la faculté de recueillir certains documents ou informations relatifs à l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs qui lui sont liés et, d’autre part, du pouvoir de préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition d’informations relatives à cette empreinte (article 16) ;
  • l’attribution à l’Autorité des normes comptables du pouvoir d’émettre des avis et prises de position dans le cadre de la procédure d’élaboration des normes européennes et internationales relatives à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (article 34) ;
  • la faculté pour les acheteurs, jusqu’à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, de conclure sans publicité ni mise en concurrence préalables un marché répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes et portant sur la fourniture de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (article 38) ;
  • la faculté de conditionner l’implantation de nouvelles installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumises à autorisation environnementale à la prise en charge par son bénéficiaire de l’acquisition, de l’installation, de la mise en service et de la maintenance d’équipements destinés à compenser la gêne résultant de cette implantation pour le fonctionnement des ouvrages et installations du ministère de la défense (article 84) ;
  • l’admission de l’installation à titre exceptionnel d’ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil sur certaines friches (article 102) ;
  • l’autorisation de l’accès des acteurs fournissant des services de distribution de carburants alternatifs à certaines données des véhicules terrestres à moteur équipés de moyens de communication (article 105) ;
  • l’absence de solidarité juridique des cotraitants dans certains marchés privés de travaux et prestations de services, sauf exigence contraire du client (article 152) ;
  • l’admission d’un nouveau motif de résiliation du contrat de bail à l’initiative du bailleur tenant à la réalisation de travaux d’économie d’énergie (article 161) ;
  • la possibilité donnée aux communes de créer, sur tout le territoire, des périmètres de ravalement obligatoire des bâtiments sans arrêté préfectoral préalable (article 168) ;
  • la ratification de trois ordonnances comportant des mesures de portée générale en matière d’aménagement et d’urbanisme, relatives respectivement au régime juridique du schéma d’aménagement régional, à la modernisation des schémas de cohérence territoriale et à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme (article 195) ;
  • la soumission des cartes communales à une évaluation périodique simplifiée (article 204) ;
  • la modification de certaines règles de majorité applicables à la modification des documents de lotissement (article 221) ;
  • la modification de dispositions relatives à l’aliénation, au maintien de la continuité et à l’entretien des chemins ruraux (article 235) ;
  • l’encadrement de la tarification sociale de la restauration scolaire (article 255).

 

 

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References   [ + ]

1. Article 45 de la Constitution.

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