Nature de l’acte par lequel la CNAC statue à nouveau sur une demande d’AEC après annulation d’une décision antérieure au 15 février 2015

Catégorie

Aménagement commercial, Urbanisme et aménagement

Date

February 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 27 janvier 2020 Sociétés Sodipaz, AG-Zinate et Les Charmes, req. n° 423529 : Mentionné aux T. Rec. CE.

Depuis la fusion des autorisations de construire et des autorisations d’exploitation commerciale (AEC) opérée par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite loi « Pinel » ou « ACTPE », lorsqu’un projet est soumis à AEC en application de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire (PC) tient lieu d’AEC dès lors que la demande a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) 1)Article L. 425-4 du code de l’urbanisme..

Suivant cette logique de fusion, le législateur a prévu un régime contentieux particulier pour ce permis puisque c’est cet acte seul qui peut être contesté 2)Article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme., soit en tant qu’il tient lieu d’AEC par les concurrents du projet 3)C’est-à-dire les personnes mentionnées à l’article L. 752-17 du code de commerce., soit en tant qu’il tient lieu d’autorisation de construire par les voisins 4)C’est-à-dire les personnes mentionnées à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme..

Le nouveau dispositif est entré en vigueur le lendemain de la publication du décret d’application n° 2015-165 du 12 février 2015, le 15 février 2015. Ainsi, tout permis délivré après cette date, sur le fondement d’un avis favorable de la CDAC, tient lieu d’AEC de même que tout permis délivré sur le fondement d’une AEC obtenue avant cette date. En effet, dans ce cas, l’article 36 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi « Macron ») a complété l’article 39 de la loi ACTPE en y ajoutant un III en ces termes : « Pour tout projet nécessitant un permis de construire, l’autorisation d’exploitation commerciale, en cours de validité, dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial ».

Dans une décision du 14 novembre 2018 Société MGE Normandie et autres (req. n° 409833) publiée au Recueil, le Conseil d’État a établi une grille de lecture des différentes configurations possibles et de leur traitement contentieux. Il a distingué trois cas de figure selon la date de délivrance de l’AEC et du permis de construire avant ou après le 15 février 2015 pour statuer sur la question de savoir quel était l’acte attaquable : l’AEC en tant que décision ou le PC en tant qu’il vaut AEC (Voir notre article du blog).

Cette grille de lecture ne réglait cependant pas le cas de l’acte par lequel, à la suite de l’annulation d’un refus opposé avant le 15 février 2015, la CNAC, ressaisie de la demande, se prononce après le 15 février 2015, le projet bénéficiant par ailleurs d’un permis de construire postérieur au 15 février 2015.

Dans sa décision du 27 janvier 2020 Sociétés Sodipaz, AG-Zinate et Les Charmes mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, ici commentée, le Conseil d’Etat a complété son édifice jurisprudentiel en jugeant que, lorsqu’un projet soumis à AEC a fait l’objet d’une décision de refus de la CNAC avant le 15 février 2015 et que, à la suite de son annulation et du réexamen consécutif du projet, la CNAC autorise le même projet 5)En effet, le Conseil d’Etat pose une réserve tenant à la modification substantielle du projet. Dans ce cas, la CNAC doit être regardée comme examinant un nouveau projet arrêté après l’entrée en vigueur de la réforme et obéissant aux règles posées à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi ACTPE précité., cet acte est une décision et ce même si elle est intervenue après le 15 février 2015. Ainsi, la décision prise à l’issue du réexamen du projet fait grief et est susceptible de faire l’objet d’un REP.

En l’espèce, la CNAC avait opposé un refus au projet de la société Pazadis le 18 décembre 2013. Cette décision avait été annulée par la CAA de Nantes et, à la suite du réexamen de la demande par la CNAC, celle-ci avait autorisé le projet le 3 mars 2016. Le permis de construire avait quant à lui été délivré le 9 mai 2017.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rejette comme irrecevables les conclusions dirigées contre le permis de construire du 9 mai 2017 en tant qu’il vaut autorisation commerciale dans la mesure où seule la décision de la CNAC faisait grief.

A noter que la CAA de Nantes avait également été saisie d’un recours exercé en parallèle par la même société contre la décision de la CNAC du 3 mars 2016 mais qui avait été rejeté comme irrecevable au motif que l’acte attaqué n’était pas susceptible de recours et que seul le PC, en tant qu’il vaut AEC, pouvait faire l’objet d’un recours contentieux. Le Conseil d’Etat, usant de ses pouvoirs généraux de régulation de l’ordre juridictionnel administratif, a déclaré ce second arrêt de la CAA nul et non avenu et a renvoyé devant cette même juridiction le jugement de la requête tendant à l’annulation de la décision de la CNAC du 3 mars 2016.

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References   [ + ]

1. Article L. 425-4 du code de l’urbanisme.
2. Article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme.
3. C’est-à-dire les personnes mentionnées à l’article L. 752-17 du code de commerce.
4. C’est-à-dire les personnes mentionnées à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme.
5. En effet, le Conseil d’Etat pose une réserve tenant à la modification substantielle du projet. Dans ce cas, la CNAC doit être regardée comme examinant un nouveau projet arrêté après l’entrée en vigueur de la réforme et obéissant aux règles posées à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi ACTPE précité.

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