Personnes privées et qualification de pouvoir adjudicateur : le contrôle de la gestion doit être actif

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2024

Temps de lecture

2 minutes

CE 11 avril 2024 Région Nouvelle-Aquitaine, req. n° 489440 : mentionné aux T. du Rec. CE

Par un avis contentieux du 11 avril 2024, le Conseil d’Etat précise le critère du contrôle de la gestion pour qualifier une personne morale de droit privée de pouvoir adjudicateur.

En l’espèce, l’association départementale pour adultes et jeunes handicapés de la Vienne s’est vue refuser l’attribution d’une subvention par la région Nouvelle-Aquitaine. Ce refus a été contesté par l’association devant le tribunal administratif de Bordeaux, qui l’a annulé.

Saisie en appel par la région, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a interrogé le Conseil d’Etat pour savoir si les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) de droit privé doivent être regardés comme des pouvoirs adjudicateurs au sens du code de la commande publique (CCP).

Pour rappel, aux termes du 2° de l’article L. 1211-1 du CCP, les personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial sont des pouvoirs adjudicateurs si elles répondent à l’un de ces trois critères alternatifs :

« a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; 

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;

c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur »

En l’espèce, il s’agissait d’apprécier si le critère du contrôle de la gestion (b) était rempli.

Le Conseil d’Etat se réfère pour cela à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a estimé que la gestion d’une personne morale de droit privé est regardée comme soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur lorsqu’une autorité publique exerce un contrôle actif de sa gestion de nature à créer à son égard une situation de dépendance 1)CJUE 3 février 2021 Federazione Italiana Giuoco Calcio, aff. n° C-155/19 et C-156/19. Cette dépendance doit permettre à l’autorité publique « d’influencer les décisions de l’organisme en question en matière de marchés publics » 2)CJCE 1er février 2001 Commission des communautés européennes c/ France, aff. n° C-237/99.

Mettant en œuvre la méthode du faisceau d’indices, les juges du Palais Royal procèdent à une analyse des dispositions du code de l’action sociale et des familles (CASF) dont ils déduisent que les personnes privées gestionnaires des ESSMS ne sont soumises qu’à un contrôle de régularité qui ne permet pas aux autorités publiques d’influencer leurs décisions en matière de marchés.

Ainsi, comme le relève le rapporteur public Marc Pichon de Vendeuil dans ses conclusions sur cette affaire, « en matière de dépendance vis-à-vis d’une personne publique, c’est la frontière entre contrôle de la régularité et contrôle de l’opportunité qui nous parait le mieux définir la ligne de fuite – qui est parfois une ligne de crête – de la jurisprudence ».

Par cet avis, le Conseil d’Etat conclut que les ESSMS ne font pas l’objet d’un « contrôle actif de leur gestion permettant aux autorités publiques d’influencer leurs décisions en matière de marchés ».

Les personnes morales de droit privé qui en sont gestionnaires n’ont pas la qualité de pouvoir adjudicateur. Il en résulte que les contrats passés par ces entités ne sont pas soumis aux règles de la commande publique.

 

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. CJUE 3 février 2021 Federazione Italiana Giuoco Calcio, aff. n° C-155/19 et C-156/19
2. CJCE 1er février 2001 Commission des communautés européennes c/ France, aff. n° C-237/99

3 articles susceptibles de vous intéresser