Précisions en matière de régularisation de permis de construire dans le cadre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 17 mars 2021 Mme C..., req. n° 436073 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans une décision du 17 mars 2021, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’articulation des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, sur le contenu légal d’un permis de régularisation, et encadre les moyens invocables contre un tel permis.

  • L’articulation des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

Dans cette affaire, la commune de Francheville avait octroyé un permis de construire portant sur la réalisation de deux maisons individuelles et de deux logements supplémentaires dans un bâtiment existant.

Saisi d’un recours en annulation de ce permis, le juge administratif a, par un premier jugement, sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, invitant ainsi la commune et la société pétitionnaire à justifier, dans un délai de trois mois, de la délivrance d’un permis de construire de régularisation, afin de mettre en conformité le projet avec les dispositions du PLU relatives à la gestion des eaux pluviales.

Une fois le permis de régularisation délivré, le juge administratif, de nouveau saisi, a mis en œuvre l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, en annulant partiellement le permis de régularisation, en tant qu’il méconnaissait cette fois-ci les dispositions du PLU relatives à l’implantation en limite séparative. Il a alors fixé un nouveau délai de 3 mois au pétitionnaire pour solliciter un éventuel permis de régularisation permettant la mise en conformité du projet.

C’est sur le recours contre ce second permis que le Conseil d’Etat était amené à se prononcer.

La requérante, voisine du projet litigieux, reprochait au juge de commettre une erreur de droit en recourant successivement à ces deux procédures de régularisation 1)Pour rappel, l’article L.600-5 du code de l’urbanisme permet au juge administratif, s’il estime qu’un vice qui n’affecte qu’une partie du projet ne peut être régularisé, et après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, limiter à cette partie l’annulation qu’il prononce à l’encontre du permis de construire. L’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, quant à lui, permet au juge de sursoir à statuer, lorsque celui-ci considère qu’un vice entrainant l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, permettant ainsi la mise en conformité du projet., considérant que cela rendait l’annulation d’un permis de construire presque impossible, et donc la privait de son droit à un recours effectif.

Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, que, depuis l’adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge administratif doit, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce que :

  • Soit le juge fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies ;
  • Soit le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation.

Il précise, à cette occasion, qu’il en va de même lorsque l’autorisation contestée est une mesure de régularisation qui lui a été notifiée pendant le délai qu’il avait fixé en mettant antérieurement en œuvre l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Dès lors, le juge administratif peut tout à fait, en application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer pour que le bénéficiaire puisse solliciter la régularisation d’un vise affectant un permis de régularisation pris dans le cadre d’un premier jugement sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Partant, l’usage successif des différents mécanismes de régularisation ne saurait entrainer une méconnaissance du droit au recours invoqué par la requérante.

  • Le contenu d’un permis de régularisation

Par ailleurs, le Conseil d’Etat énonce, dans la lignée de son un avis récemment rendu en la matière 2)CE 2 octobre 2020, avis n° 438318., qu’un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé en vertu de l’article L. 600-5-1 du code précité, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Cette solution fait suite au retrait, par la loi ELAN du 23 novembre 2018 3)Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique., de la notion de permis modificatif, pour la remplacer par celle de « mesure de régulation ». Ce changement terminologique avait notamment pour objectif de sortir les procédures de régularisation du cadre restrictif du permis modificatif, qui induisait des contraintes importantes sur l’étendue des modifications possibles 4)Le permis modificatif ne pouvant comporter que des modifications mineures qui ne bouleversent pas, ni par leur nature ni par leur ampleur, la nature du projet..

Dans cette décision, il ainsi tire toutes les conséquences de cette évolution en constatant, sans pour autant le justifier en faits, que les modifications apportées par le permis de régularisation n’altèrent pas la nature du projet.

  • L’encadrement des moyens invocables contre un permis de régularisation

Le Conseil d’Etat précise, enfin, son office concernant les permis de régularisation, en affirmant qu’à compter de la décision par laquelle le juge recourt à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, seuls les moyens dirigés contre la mesure de régularisation, le cas échéant, peuvent être invoqués devant ce dernier.

En l’espèce, le permis de régularisation, apportait des modifications excédant celles nécessaires pour remédier aux vices, notamment concernant l’emplacement et à la forme de l’implantation d’une des maisons individuelles, sans pour autant impacter l’emprise au sol.

Partant, la requérante faisait valoir que le permis de régularisation modifiait le projet d’une ampleur telle que celui-ci devait être confronté aux nouvelles dispositions du plan local d’urbanisme et de l’habitat de la métropole de Lyon, entré en vigueur entre le permis initial et celui de régularisation.

Cependant, comme l’évoque le rapporteur public M. Vincent Villette, la jurisprudence constante consiste à « ne rouvrir le débat contentieux qu’à l’encontre des seuls aspects sur lesquels le permis initial a été modifié » 5)Conclusions de M. Vincent Villette sous l’arrêt commenté..

Ainsi, dès lors que le coefficient d’emprise au sol reste inchangé, le juge n’a pas à vérifier la conformité du permis de régularisation vis-à-vis des nouvelles dispositions du PLU. Le Conseil d’Etat réfute donc ce moyen, eu égard aux droits que le pétitionnaire tenait du permis initial.

 

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1. Pour rappel, l’article L.600-5 du code de l’urbanisme permet au juge administratif, s’il estime qu’un vice qui n’affecte qu’une partie du projet ne peut être régularisé, et après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, limiter à cette partie l’annulation qu’il prononce à l’encontre du permis de construire. L’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, quant à lui, permet au juge de sursoir à statuer, lorsque celui-ci considère qu’un vice entrainant l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, permettant ainsi la mise en conformité du projet.
2. CE 2 octobre 2020, avis n° 438318.
3. Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
4. Le permis modificatif ne pouvant comporter que des modifications mineures qui ne bouleversent pas, ni par leur nature ni par leur ampleur, la nature du projet.
5. Conclusions de M. Vincent Villette sous l’arrêt commenté.

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