Quelques précisions sur la rémunération des prestations supplémentaires effectuées par le maître d’œuvre en cas de modification du programme par le maître de l’ouvrage

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 février 2014 Société Arc Ame, req. n° 365828.

L’office public de l’habitat Pas-de-Calais Habitat avait confié en 2002 la maîtrise d’œuvre d’une opération de construction d’une résidence universitaire et d’un logement de fonction à un groupement dont la société d’architecture Arc Ame était le mandataire.

Des prestations supplémentaires ont été demandées par le maître de l’ouvrage qui, malgré la demande de la société Arc Ame, n’a pas voulu s’acquitter de l’indemnisation en découlant. Saisi par la société Arc Ame, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête par un jugement du 31 mai 2011, solution confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 4 décembre 2012. La société d’architecture Arc Ame a donc formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat afin de demander la censure de cet arrêt et d’obtenir la somme de 33 097,27 euros en indemnisation des prestations supplémentaires qu’elle avait effectuées.

La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 dite « MOP » 1) Article 9 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 sur la maitrise d’ouvrage publique :
«La mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux. ».
et son décret d’application du 29 décembre 1993 2) Article 30 du décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993:
« Le contrat de maîtrise d’œuvre précise, d’une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d’un seuil de tolérance, sur lesquels s’engage le maître d’œuvre, et, d’autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. […]En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l’ouvrage, le contrat de maîtrise d’œuvre fait l’objet d’un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d’œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel ».
prévoient que la rémunération du maître d’œuvre est forfaitaire et doit être calculée sur la base du coût prévisionnel des travaux.

Le forfait du maître d’œuvre ne peut être modifié que dans des hypothèses très limitées – notamment en cas de modification du programme, de sujétions imprévues ou lorsque les prestations supplémentaires non demandées par le maître d’ouvrage étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art 3) Cf. à cet égard : CE 29 septembre 2010 Société Babel, req. n° 819481 sur l’indemnisation du maître d’œuvre de ses dépenses utiles..

Ainsi, le Conseil d’Etat rappelle ici dans un premier temps les cas de figure ouvrant droit à une rémunération supplémentaire :

« le titulaire d’un contrat de maîtrise d’œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu’il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; qu’en outre, le maître d’œuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre et qui n’ont pas été décidées par le maître d’ouvrage n’a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, soit le maître d’œuvre a été confronté dans l’exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie générale du contrat ».

En l’espèce, on se trouvait dans le cas d’une modification de programme ou de prestations décidées par le maître d’ouvrage et pour lequel le Conseil d’Etat juge :

« dans l’hypothèse ou une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l’ouvrage, le droit du maître d’œuvre à l’augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l’existence de prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre utiles à l’exécution des modifications décidées par le maître de l’ouvrage ; qu’en revanche, ce droit n’est subordonné, ni à l’intervention d’un avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions précitées de l’article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d’avenant, à celle d’une décision par le maître d’ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d’œuvre ».

Ainsi, dès lors que la modification du programme est actée par le maître de l’ouvrage et que les prestations sont utiles à ces modifications, le droit du maitre d’œuvre à une augmentation de la rémunération n’est pas conditionné, en lui-même, par le fait que le maître d’ouvrage ait donné son accord sur leur montant (par avenant ou par toute autre décision à portée contractuelle).

Par suite, l’arrêt ayant rejeté la demande au motif que le maître de l’ouvrage n’avait pas donné son accord sur le montant de la nouvelle rémunération, le Conseil d’Etat l’annule pour erreur de droit et renvoie à la cour administrative d’appel de Douai.

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References   [ + ]

1. Article 9 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 sur la maitrise d’ouvrage publique :
«La mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux. ».
2. Article 30 du décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993:
« Le contrat de maîtrise d’œuvre précise, d’une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d’un seuil de tolérance, sur lesquels s’engage le maître d’œuvre, et, d’autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. […]En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l’ouvrage, le contrat de maîtrise d’œuvre fait l’objet d’un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d’œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel ».
3. Cf. à cet égard : CE 29 septembre 2010 Société Babel, req. n° 819481 sur l’indemnisation du maître d’œuvre de ses dépenses utiles.

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