Résiliation pour faute et partage de responsabilité

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 février 2016 Commune de Bandol, req. n° 387769

Le Conseil d’Etat rappelle que si le titulaire d’un contrat dont la résiliation pour faute n’était pas justifiée a droit à l’indemnisation du préjudice résultant de cette résiliation, la personne publique ne peut toutefois être condamnée à réparer l’intégralité du préjudice eu égard à la part de responsabilité incombant au titulaire en raison des fautes qu’il a commises.

Le 17 février 2009, la commune de Bandol a passé avec la société Signacité un marché portant sur « l’installation et l’exploitation de dispositifs destinés à la promotion et au fléchage des commerces, entreprises locales et équipements publics ». Au mois de septembre 2009, la commune a prononcé la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société, mesure que cette dernière a contestée en sollicitant l’indemnisation du préjudice résultant de cette résiliation infondée à son sens.

En effet, la résiliation de son marché étant survenue avant que le Conseil d’Etat n’admette, par la jurisprudence dite Commune de Béziers du 21 mars 2011 la possibilité en cas de résiliation d’un contrat administratif de former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de cette mesure et tendant à la reprise des relations contractuelles 1) CE 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806 : Rec. CE ; BJCP 2011/76, p. 170, concl. Cortot-Boucher, obs. R.S. : « Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu’elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation »., la société Signacité a dû en l’espèce se borner à exercer un recours indemnitaire.

La cour administrative d’appel de Marseille a fait droit aux demandes de la société, en considérant que si elle n’avait pas tout à fait respecté la procédure formelle de validation par le maire des emplacements des panneaux prévue par le marché, ces fautes ne justifiaient pas une mesure de résiliation à ses torts exclusifs dès lors qu’elle s’était conformée à la mise en demeure adressée par la commune le 13 août 2009, s’agissant du démontage des panneaux dont le lieu d’implantation n’avait pas été validé par le maire, ainsi que de la remise en état des lieux 2) A l’inverse, lorsque les fautes commises par la société sont importantes (telles que l’impossibilité d’exécuter le marché quatre mois après sa notification) et celles de la personne publique minimes, la résiliation peut être prononcée aux torts exclusifs de la première (CE 26 février 2014 Société Environnement services, req. n° 365546 : Rec .CE T.).. En conséquence, elle a condamné la commune à verser à la société la somme de 460 444, 70 EUR en réparation de l’intégralité du préjudice résultant de cette résiliation.

Le Conseil d’Etat considère également que la sanction était disproportionnée mais censure néanmoins l’arrêt de la cour administrative d’appel pour erreur de droit, au motif que la cour n’a pas pu tout à la fois relever l’existence d’une faute commise par la société et mettre à la charge de la commune la réparation de l’entier préjudice résultant de la résiliation : de telles circonstances imposent un partage de responsabilité, le Conseil d’Etat décidant en conséquence de limiter l’indemnisation à 50 % du montant total des préjudices subis par la société.

Evaluant ensuite les préjudices allégués, il estime, s’agissant plus particulièrement de la perte de marge d’exploitation réalisée sur la durée du marché, qu’elle ne peut être considérée comme certaine que pour une durée de 3 ans au lieu des 8 années du marché, dans la mesure où la société se rémunérait sur des contrats d’annonce publicitaire qui n’avaient été conclus que pour une durée de 3 ans et dont le taux de reconduction n’était pas précisé.

On peut considérer que si le juge avait été saisi d’un recours de plein contentieux contestant la validité de la mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, son analyse n’aurait pas été différente pour la question de l’appréciation du bien-fondé de la résiliation prononcée : il ne peut en effet, dans ce cadre, faire droit à une demande de reprise des relations contractuelles qu’après avoir constaté que cette mesure de résiliation est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé. Il doit donc toujours commencer par vérifier, en cas de résiliation pour faute, si celle-ci n’est pas disproportionnée au regard des fautes commises par le cocontractant de la personne publique.

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References   [ + ]

1. CE 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806 : Rec. CE ; BJCP 2011/76, p. 170, concl. Cortot-Boucher, obs. R.S. : « Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu’elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ».
2. A l’inverse, lorsque les fautes commises par la société sont importantes (telles que l’impossibilité d’exécuter le marché quatre mois après sa notification) et celles de la personne publique minimes, la résiliation peut être prononcée aux torts exclusifs de la première (CE 26 février 2014 Société Environnement services, req. n° 365546 : Rec .CE T.).

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