Responsabilité de l’Etat pour défaut de publication d’un décret d’application dans un délai raisonnable

Catégorie

Droit administratif général

Date

October 2014

Temps de lecture

2 minutes

CE 22 octobre 2014 société Métropole Télévision, req. n° 361464

Agissant dans le cadre des dispositions de l’article 103 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, issu de la loi du 5 mars 2007, la société M6 avait demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) l’attribution d’un canal compensatoire en contrepartie de l’arrêt de la télévision en mode analogique et de la réduction consécutive de la durée des autorisations de diffusion qui avaient été accordées pour l’hertzien.

Le CSA avait implicitement rejeté cette demande. En outre, le décret qui devait être pris pour l’application de l’article 103 de la loi du 30 septembre 1986 n’était pas intervenu.

Sur la base de ces deux éléments, M6 a introduit :

(i) un recours en annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d’attribution du canal compensatoire ; et
(ii) un recours en responsabilité contre l’Etat au titre des fautes qu’il aurait commises :
– en rejetant sa demande
– en s’abstenant de prendre le décret d’application de l’article 103 de la loi du 30 septembre 1986
– au titre de l’édiction des dispositions de cet article 103 et de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

Se prononçant sur ces diverses questions, le Conseil d’Etat a livré d’intéressantes précisions pour les cas où aucun décret d’application n’intervient après l’adoption d’une loi.

D’une part, le CSA était tenu de rejeter la demande de M6 en l’absence de la publication du décret portant application de l’article 103 de la loi du 30 septembre 1986, de sorte que le rejet de la demande présentée par M6 au titre des dispositions de cet article par le CSA n’est pas constitutive d’une faute de nature à ouvrir droit à réparation.

D’autre part, le Conseil d’Etat reconnaît que « les préjudices qui résultent du retard mis à prendre, au-delà d’un délai raisonnable, un décret nécessaire à l’application d’une loi sont, en principe, de nature à ouvrir droit à réparation ». Pour autant, il considère qu’au cas d’espèce, aucune faute ne peut être retenue contre l’Etat en la matière, compte tenu de ce que l’absence de publication du décret en cause s’explique par l’avis motivée par la Commission européenne contre l’article 103 contestant la compatibilité de la disposition législative en cause avec le droit de l’Union européenne et invitant les autorités françaises à prendre les mesures requises pour rétablir, dans un délai de deux mois, la compatibilité de la législation française.

Il n’en demeure pas moins que, si la responsabilité de l’Etat n’a pas été reconnue en l’espèce, cette décision est tout à fait intéressante pour les opérateurs qui restent dans l’attente parfois pendant de longues années de la publication d’un décret d’application et qui disposeront ainsi d’un « levier » contentieux pour espérer faire accélérer une telle publication.

Enfin, on notera que, si elle réfute son application au cas d’espèce, la Haute juridiction reprend une nouvelle fois son considérant de principe de la décision d’Assemblée du 8 février 2007 1) CE Ass. 8 février 2007 Gardelieu., req. n° 279522. reconnaissant la possible responsabilité de l’Etat du fait des lois dans l’hypothèse de l’adoption d’une loi contraire aux engagements internationaux ou européens de la France, pour inclure au nombre de ces engagements, le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime reconnus par le droit communautaire et, désormais, par le droit de l’Union européenne 2) CE 23 juillet 2014 Société d’éditions et de protection route, req. n° 354365..

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References   [ + ]

1. CE Ass. 8 février 2007 Gardelieu., req. n° 279522.
2. CE 23 juillet 2014 Société d’éditions et de protection route, req. n° 354365.

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