Seule l’autorité compétente pour délivrer le certificat d’urbanisme ou le permis de construire sollicité est responsable des fautes commises dans le cadre de l’instruction de la demande

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 9 novembre 2015 M. et Mme A., req. n° 380299 : à mentionner aux T. Rec. CE

M. et Mme A. ont fait l’acquisition en 2006 d’un terrain situé dans la commune d’Avesnes-le-Sec (Nord-Pas-de-Calais) en vue d’y construire une maison d’habitation.

Le 28 juillet 2006, un certificat d’urbanisme positif mentionnant notamment que la parcelle était desservie par les réseaux publics avait été délivré aux précédents propriétaires par le préfet, la commune n’étant pas dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.

Le 29 mai 2007, un permis de construire est accordé par le préfet aux époux A. pour leur projet de construction au vu d’un avis favorable du maire et avec des mentions convergentes avec le certificat d’urbanisme.

Toutefois, pendant les travaux, les requérants ont dû, pour procéder au raccordement de leur construction avec les réseaux publics, réaliser une prolongation de ceux-ci dans la mesure où le point de raccordement ne se trouvait pas au droit de leur terrain mais au droit de la parcelle voisine.

Estimant que, contrairement aux informations figurant dans le certificat d’urbanisme et dans le permis de construire, leur terrain n’était en réalité pas desservi par les réseaux publics, les époux A ont saisi le tribunal administratif (TA) de Lille d’une demande indemnitaire dirigée contre la commune afin d’obtenir réparation du préjudice tenant à la réalisation desdits travaux de raccordement aux réseaux publics.

Plus précisément, ils demandaient la condamnation de la commune d’Avesnes-le-Sec à leur payer une somme d’environ 4 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par cette collectivité à raison de la délivrance de ces actes et des dépenses qu’ils avaient exposées pour assurer le raccordement de leur maison aux réseaux publics.

Par un jugement du 14 février 2013, le TA de Lille a rejeté cette demande au double motif que, mettant en cause la commune et non l’Etat, elle était mal dirigée et qu’en tout état de cause elle était mal fondée, les travaux réalisés par les requérants pour raccorder leur construction aux réseaux ne constituant qu’un branchement particulier et non une extension desdits réseaux de sorte que le terrain ne pouvait être regardé comme non desservi par les réseaux publics.

Les requérants ont contesté le jugement devant la cour administrative d’appel de Douai qui a transmis le recours au Conseil d’Etat par ordonnance, les litiges relatifs à des demandes indemnitaires d’un montant inférieur à 10 000 euros étant tranchés en premier et dernier ressort par le tribunal administratif et ne pouvant donc être contestés que par la voie du pourvoi en cassation 1) Cf. art. L. R811-1 CJA : « Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance.
Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort :
(…) 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (…) » et R. 222-14 CJA : « Les dispositions du 10° de l’article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n’excède pas 10 000 euros ».
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Sans s’attarder sur le bien-fondé ou non de la demande indemnitaire, considéré comme un motif surabondant du jugement attaqué, le Conseil d’Etat analyse uniquement le moyen dirigé contre l’irrecevabilité de la demande. Il juge que le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que les conclusions indemnitaires étaient mal dirigées dès lors que les erreurs entachant des actes d’urbanisme délivrés par le préfet au nom de l’Etat « n’étaient susceptibles d’engager que la responsabilité de l’Etat », y compris celle que le maire aurait pu commettre dans son avis lors de l’instruction de ces actes.

Il énonce dans un considérant de principe :

    « Considérant qu’une faute commise dans le cadre de la procédure d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme n’est susceptible d’engager, à l’égard du pétitionnaire, que la responsabilité de la personne publique qui délivre ou refuse de délivrer l’autorisation sollicitée, quand bien même la faute entacherait un avis émis par une autre personne au cours de l’instruction de la demande ».

Autrement dit, lorsqu’une faute est commise dans le cadre de l’instruction d’un permis de construire, c’est la responsabilité de la personne publique compétente pour délivrer le permis qui engage sa responsabilité même si la faute entache un avis d’un autre autorité émis au cours de l’instruction.

Cette solution, qui conduit à rechercher la responsabilité de l’Etat pour les erreurs éventuellement commises lors de la délivrance ou du refus d’un permis par le préfet au nom de l’Etat, semble logique au regard, notamment, du principe selon lequel l’instruction de la demande relève de la personne publique qui prend la décision 2) Cf. art. R. 410-4 et R. 410-6 pour le certificat d’urbanisme ; R. 423-14 et R. 423-16 pour le permis de construire..

Elle évite également, dans des situations comparables au cas d’espèce où des avis sont sollicités dans le cadre de l’instruction, de remonter la chaîne des causalités pour déterminer quelle est l’autorité finalement responsable.

Notons que cette solution s’inscrit dans la lignée des jurisprudences SCI Résidence Arcole 3) CE 26 octobre 1973 SCI Résidence Arcole, req. n° 87909-87910 : publié au Rec. CE p. 601. et Pessoz 4) CE 5 février 1988 Pessoz, req. n° 65561 : publié au Rec. CE p. 47., cette dernière décision étant toutefois motivée de la manière suivante :

    « Considérant que par arrêté en date du 24 septembre 1980, le préfet de la Savoie a, au nom de l’Etat, accordé à M. X… un permis de construire un local professionnel dans la commune d’Aigueblanche, après avoir recueilli l’avis favorable du maire de cette commune ;

    Considérant qu’aux termes de l’article R.421-11 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date du permis de construire : “Dans le mois de l’inscription de l’exemplaire de la demande qui lui est destiné, le maire fait connaître son avis au directeur départemental de l’équipement …” ; qu’un tel avis constitue un élément de la procédure, le maire agissant alors en tant qu’autorité de l’Etat ; que par suite l’action en responsabilité intentée par M. X… contre la commune à raison de renseignements prétendument erronés contenus dans l’avis du maire, ne peut qu’être rejetée comme mal dirigée ; que dès lors M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué en date du 28 novembre 1984, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; ».

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1. Cf. art. L. R811-1 CJA : « Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance.
Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort :
(…) 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (…) » et R. 222-14 CJA : « Les dispositions du 10° de l’article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n’excède pas 10 000 euros ».
2. Cf. art. R. 410-4 et R. 410-6 pour le certificat d’urbanisme ; R. 423-14 et R. 423-16 pour le permis de construire.
3. CE 26 octobre 1973 SCI Résidence Arcole, req. n° 87909-87910 : publié au Rec. CE p. 601.
4. CE 5 février 1988 Pessoz, req. n° 65561 : publié au Rec. CE p. 47.

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