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Par un arrêt du 6 juin 2025, le Conseil d’Etat a jugé d’une part, que les auteurs du PLU pouvaient soumettre le « bonus écologique de constructibilité » prévu à l’article L. 151-28 du code de l’urbanisme à des critères supplémentaires et d’autre part, qu’une fois le juge ayant sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il ne pouvait pas, en l’absence de notification d’une mesure de régularisation, faire usage de son pouvoir d’annulation partielle en vue d’une nouvelle tentative de régularisation.
Précisément, dans cette affaire, il était question de la légalité d’un permis de construire et de son modificatif un ensemble immobilier de 115 logements répartis en 4 bâtiments, une piscine et 230 places de stationnement sur un terrain situé dans une ancienne carrière. Ce projet avait été contesté par plusieurs voisins dans le cadre de deux instances distinctes.
Dans un premier temps, le tribunal administratif avait sursis à statuer pour permettre la régularisation des vices qu’il avait préalablement identifié ; puis dans un second temps, constatant qu’aucune mesure de régularisation ne lui avait été notifiée dans le délai de quatre mois imparti, il avait annulé le permis initial, son modificatif et les décisions de rejet des recours gracieux.
Refusant cette conclusion, le pétitionnaire s’est pourvu en cassation pour demander l’annulation des deux premiers jugements avant-dire droit puis des deux seconds jugements ayant mis fin respectivement aux deux instances.
Le Conseil d’Etat a joint les quatre pourvois pour statuer par son arrêt du 6 juin 2025. Reprenant la chronologie de l’affaire, il a tout d’abord traité des deux pourvois contre les deux jugements avant dire droit.
D’après l’article L. 151-28 du code de l’urbanisme, le règlement du PLU peut prévoir « dans le respect des autres règles établies par le document (…) dans les zones urbaines ou à urbaniser, un dépassement des règles relatives au gabarit qui peut être modulé mais ne peut excéder 30 %, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui intègrent des procédés de production d’énergies renouvelables. ».
Au cas présent, le dépassement des règles d’emprise et de hauteur des bâtiments, qui permettent de calculer le gabarit d’une construction, était soumis à une condition relative au respect du caractère de la zone d’implantation ou des principes de la bonne intégration du projet dans son environnement.
Les premiers juges avaient estimé que le projet ne pouvait pas bénéficier de cette bonification dans la mesure où il ne respectait pas cette condition. Par ailleurs, ils avaient rejeté le moyen en défense, soulevé par voie d’exception, d’après lequel cette limitation ne serait pas conforme à l’article L 151-28 du code de l’urbanisme.
Devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public, M. Thomas Janicot 1)Conclusions sur CE 6 juin 2025 société Cogedim Languedoc Roussillon, req. n° 493882, 493883, 497280, 497283 : mentionné aux T. du Rec. CE, rappelle que les normes d’urbanisme ne peuvent porter atteinte au droit de propriété qu’en vertu d’une autorisation législative préalable. En l’espèce, la condition fixée en sus par les auteurs du PLU pour bénéficier de la bonification constituait une atteinte au droit de propriété du pétitionnaire. Consacrant une solution dégagée par quelques juridictions d’appel, le Conseil d’Etat considère néanmoins que le code de l’urbanisme ne s’oppose pas à ce que les auteurs du PLU rédigent une telle exigence supplémentaire.
Les trois autres moyens n’ayant pas été, non plus, retenus par le Conseil d’Etat, les deux pourvois dirigés contre les premiers jugements de sursis à statuer ont été rejetés.
Puis, le Conseil d’Etat a apprécié les deux moyens soulevés par le pétitionnaire à l’encontre des jugements ayant mis fin aux instances.
Le premier moyen a rapidement, et logiquement, été écarté : dans la mesure où les jugements avant dire droit n’ont pas été annulés, il n’y avait pas lieu d’annuler par voie de conséquence les seconds jugements.
Par contre, le second moyen a retenu toute l’attention des juges.
Le pétitionnaire soutenait que les juges du fond avaient commis une erreur de droit en ne faisant pas usage – une fois le mécanisme du sursis à statuer pour régularisation mis en œuvre sans succès – du mécanisme de l’annulation partielle en vue de la régularisation de la décision d’urbanisme viciée prévu à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme.
Cependant, le rapporteur public concluait que « cette approche se heurte toutefois directement à deux de vos décisions ». Rappelant la jurisprudence antérieure, motivée aussi par le souci de ne pas multiplier à l’envie les possibilités de régularisation et d’éviter ainsi les « inconvénients pratiques », le magistrat invitait la formation de jugement à rejeter ce moyen.
En effet, par le passé, le Conseil d’Etat a pu juger que l’annulation sèche de la décision contestée est la sanction si aucune mesure de régularisation n’est notifiée au juge ayant sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme 2) CE 9 novembre 2021 société civile de construction vente Lucien Viseur, req. n° 440028 : mentionné aux T. du Rec. CE | De nouvelles précisions sur la possibilité offerte au juge de surseoir à statuer en vue de régulariser un vice affectant une décision d’urbanisme et ses limites. Aussi, dans l’hypothèse où, après un premier sursis à statuer, la mesure de régularisation notifiée n’a pas été de nature à régulariser le vice affectant l’autorisation d’urbanisme initiale, le juge ne peut pas prononcer un second sursis à statuer, il doit annuler la décision 3)CE sect. 14 octobre 2024 société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, req. n° 471936 : publié au recueil CE | Régularisation en cours d’instance : pas de seconde chance pour la même autorisation … mais un sauvetage possible de la mesure de régularisation. Cette solution est valable sauf si un vice propre entache la mesure de régularisation. Dans ce cas précis, le juge a toujours la faculté de sursoir à statuer ou d’annuler partiellement l’autorisation contestée afin de permettre la régularisation de la mesure de régularisation 4)CE 17 mars 2021 Mme C…, req. n° 436073 : mentionné aux T. du Rec. CE | Précisions en matière de régularisation de permis de construire dans le cadre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.
Au vu de ses précédents, le Conseil d’Etat a complété son considérant de principe ainsi :
« Lorsqu’il a mis en œuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1 et qu’aucune mesure de régularisation ne lui est notifiée après sa décision de sursis à statuer, il n’appartient pas au juge de poursuivre la recherche de la régularisation du vice considéré en recourant une nouvelle fois à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou en recourant à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme pour impartir un délai de régularisation. »
Il faut donc retenir qu’en cas de sursis à statuer infructueux, le juge n’a pas à sursoir à statuer, à nouveau, ou bien annuler partiellement l’autorisation viciée pour offrir au pétitionnaire la possibilité de la régulariser. Une fois sa (première) chance passée, le pétitionnaire n’a pas le droit à une seconde chance.
References
1. | ↑ | Conclusions sur CE 6 juin 2025 société Cogedim Languedoc Roussillon, req. n° 493882, 493883, 497280, 497283 : mentionné aux T. du Rec. CE |
2. | ↑ | CE 9 novembre 2021 société civile de construction vente Lucien Viseur, req. n° 440028 : mentionné aux T. du Rec. CE | De nouvelles précisions sur la possibilité offerte au juge de surseoir à statuer en vue de régulariser un vice affectant une décision d’urbanisme et ses limites |
3. | ↑ | CE sect. 14 octobre 2024 société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, req. n° 471936 : publié au recueil CE | Régularisation en cours d’instance : pas de seconde chance pour la même autorisation … mais un sauvetage possible de la mesure de régularisation |
4. | ↑ | CE 17 mars 2021 Mme C…, req. n° 436073 : mentionné aux T. du Rec. CE | Précisions en matière de régularisation de permis de construire dans le cadre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme |