Un courriel faisant état de la doctrine d’une administration sur une réglementation n’est pas un acte susceptible de recours, mais pourrait-il l’être… ?

Catégorie

Droit administratif général

Date

August 2022

Temps de lecture

2 minutes

CE 21 juillet 2022 Fédération des employés et cadres Force ouvrière, req. n° 449388 : mentionné aux tab.rec

Le syndicat Fédération des employés et cadres Force ouvrière a sollicité, par courrier, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur sur les modalités d’application de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.

La cheffe du bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur a répondu à la demande de la Fédération requérante en lui faisant part de l’interprétation, par l’administration, de la réglementation applicable aux casinos résultant de l’arrêté susvisé.

Le syndicat a déféré à la censure du Conseil d’Etat ledit email.

Les juges du Palais Royal devaient donc déterminer si le courriel litigieux était constitutif d’une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

L’arrêt y répond par la négative.

Après avoir rappelé le considérant de principe de la décision GISTI 1)CE Sect. 12 juin 2020, Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), req. n° 418142, Rec. CE selon lequel « les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. »

Le Conseil d’Etat considère, qu’en l’espèce, « le courriel litigieux par lequel la cheffe du bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur a répondu à un courrier de la Fédération requérante en lui faisant part de l’interprétation, par l’administration, de la réglementation applicable aux casinos résultant de l’arrêté du 14 mai 2007 ne révèle par lui-même aucune décision. Dès lors qu’il se borne à répondre à une demande d’information présentée par le syndicat requérant, il ne saurait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou de leurs salariés ».

La rédaction de la décision est intéressante car si le Conseil d’Etat estime que, dans ce cas d’espèce, le courriel n’était pas constitutif d’une décision administrative susceptible de recours, la solution n’aurait, probablement, pas été la même dans l’hypothèse où ce dernier aurait été susceptible d’avoir des « effets notables sur les droits ou la situation » des membres de la Fédération.

Cette décision quelque peu sévère offre une – petite – porte ouverte quant aux actes de droit souple susceptibles de faire, ou non, l’objet d’un recours contentieux.

 

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References   [ + ]

1. CE Sect. 12 juin 2020, Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), req. n° 418142, Rec. CE

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