Un exemple d’offre inacceptable : la méconnaissance d’une convention collective

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2014

Temps de lecture

4 minutes

CE 11 décembre 2013 société antillaise de sécurité, req. n° 372214

Le grand port maritime de la Martinique avait engagé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché de prestations de sécurité incendie et d’assistance à personne. La Société antillaise de sécurité, qui avait vu son offre écartée par l’établissement public, a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Fort-de-France d’un recours dirigé contre la décision de rejet de son offre. Après avoir pris connaissance de la signature du marché, la concurrente évincée a demandé son annulation au juge des référés (article L. 551-13 1) Article L. 551-13 CJA : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section ». du code de justice administrative – CJA), lequel a rejeté cette demande, estimant que l’offre était inacceptable. La société s’est donc pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat va implicitement juger qu’une offre ne respectant pas les stipulations d’une convention collective, en l’occurrence la convention collective nationale « prévention sécurité », doit être regardée comme méconnaissant la législation en vigueur, et par suite comme étant inacceptable 2) Une offre étant inacceptable, aux termes du 1° de l’article 35 I CMP, « si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer » ; une telle offre devant selon l’article 53 III CMP III être éliminée tout comme celles qui sont inappropriées ou irrégulières..

Le juge administratif avait déjà admis que pouvait être utilement invoquée à l’encontre de la signature d’un marché la méconnaissance d’un arrêté réglementant des produits de construction par l’offre retenue 3) CE 30 septembre 2011 département de la Haute-Savoie et société GTS, n°s 350153 et 350992., et qu’a contrario en l’absence de règle que pourrait méconnaître par elle-même une offre, celle-ci ne pouvait être qualifiée d’inacceptable 4) CE 23 novembre 2011 communauté urbaine de Nice-Côte-d’Azur, req. n° 351570..

Tout en maintenant ce principe, le Conseil d’Etat va censurer pour dénaturation des faits et erreur de droit l’appréciation du juge des référés dès lors que, en se fondant uniquement sur le coût global de revient de main d’œuvre figurant dans l’offre de la société requérante, il n’avait pas recherché si cet écart de coût traduisait nécessairement la méconnaissance du minimum salarial fixé par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Il censure par ailleurs le premier juge en ce que les dispositions dont la requérante se prévalait ne figuraient pas dans la convention collective, mais dans un document émanant d’un syndicat professionnel.

La Haute juridiction rappelle dans un second temps que les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel doivent s’entendre comme limitativement définis par les dispositions des articles L. 551-18 5) Article L. 551-18 CJA : « Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite.
La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique.
Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ».
et L. 551-20 6) Article L. 551-20 CJA : « Dans le cas où le contrat a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L.551-4 ou à l’article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière ». CJA. Par suite, en procédure adaptée, où ne figure pas l’obligation de respecter un délai minimal entre la notification de la décision d’attribution aux opérateurs ayant présenté une offre et la signature du contrat, l’annulation du contrat ne peut résulter que :
► soit du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 551-18 CJA ;
► soit de ce que le contrat a été signé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 551-4 7) Article L. 551-4 CJA : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ». ou de l’article L. 551-9 8) Article L. 551-9 CJA : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification à l’entité adjudicatrice de la décision juridictionnelle ». CJA, alors que le tribunal administratif était saisi d’une demande en référé précontractuel 9) v. en ce sens CE 25 octobre 2013 Commune de La Seyne-sur-Mer c. SARL MIRAMAR, req. n° 370393 : s’agissant de la recevabilité des candidats ayant engagé un référé précontractuel lorsque le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté l’obligation de suspendre la signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 du CJA à saisir le juge du référé contractuel d’une demande dirigée contre une délégation de service public (http://www.adden-leblog.com/?p=4987)..

Il va ce faisant rejeter la demande de la requérante, dont l’offre n’était finalement pas inacceptable en l’espèce, au motif qu’elle n’avait pas fait état de manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre de sa demande en référé contractuel.

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References   [ + ]

1. Article L. 551-13 CJA : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section ».
2. Une offre étant inacceptable, aux termes du 1° de l’article 35 I CMP, « si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer » ; une telle offre devant selon l’article 53 III CMP III être éliminée tout comme celles qui sont inappropriées ou irrégulières.
3. CE 30 septembre 2011 département de la Haute-Savoie et société GTS, n°s 350153 et 350992.
4. CE 23 novembre 2011 communauté urbaine de Nice-Côte-d’Azur, req. n° 351570.
5. Article L. 551-18 CJA : « Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite.
La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique.
Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ».
6. Article L. 551-20 CJA : « Dans le cas où le contrat a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L.551-4 ou à l’article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière ».
7. Article L. 551-4 CJA : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ».
8. Article L. 551-9 CJA : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification à l’entité adjudicatrice de la décision juridictionnelle ».
9. v. en ce sens CE 25 octobre 2013 Commune de La Seyne-sur-Mer c. SARL MIRAMAR, req. n° 370393 : s’agissant de la recevabilité des candidats ayant engagé un référé précontractuel lorsque le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté l’obligation de suspendre la signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 du CJA à saisir le juge du référé contractuel d’une demande dirigée contre une délégation de service public (http://www.adden-leblog.com/?p=4987).

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