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L’arrêt rendu s’inscrit dans la lignée des décisions qui privilégient la réparation des vices régularisables plutôt que l’annulation pure et simple des autorisations, spécialement lorsque la lacune identifiée tient à l’évaluation environnementale.
Les faits sont les suivants :
Le 13 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a délivré à la société Aéroports de la Côte d’Azur un permis de construire pour l’extension du terminal 2 de l’aéroport Nice-Côte d’Azur. Ce projet consiste à construire un nouveau hall d’enregistrement côté ville, un système de tri bagages et une jetée comportant six nouvelles salles d’embarquement, représentant 25 211 m² de surface de plancher supplémentaire (portant la surface totale à environ 97 765 m²). Estimant que cette extension aurait un impact significatif sur l’environnement local, plusieurs associations de protection de l’environnement (notamment France Nature Environnement Alpes-Maritimes – FNE 06 et le Collectif CAPRE 06) ainsi que des particuliers ont introduit un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin d’annuler ce permis de construire. Recours rejeté en première instance.
Dans une décision avant-dire droit du 14 décembre 2023 1)CAA Marseille 14 décembre 2023 Association Collectif pour des réalisations écologiques des Alpes-Maritimes et autres, req. n° 22MA02967 la Cour avait considéré que le vice entachant l’étude d’impact, du fait de l’absence d’évaluation de l’accroissement du trafic aérien induit par le projet et de son incidence sur l’environnement et la santé humaine, pouvait être régularisé. Elle avait donc réservé sa décision 2)L. 600-5-1 du code de l’urbanisme sur ce point en ordonnant une enquête publique complémentaire dans le cadre de laquelle serait soumise au public une étude d’impact prenant en compte l’augmentation potentielle du trafic aérien du fait de l’augmentation de la capacité opérationnelle de l’aérogare résultant du projet.
Une étude d’impact complémentaire a été réalisée, suivie d’une nouvelle enquête publique, et un permis de construire modificatif a été délivré.
Tout d’abord, la Cour rappelle que si à l’échéance du délai de régularisation accordé dans une décision avant-dire droit le juge peut à tout moment statuer sur la demande d’annulation du permis, il ne peut pas pour autant statuer sans prendre en compte les mesures de régularisation intervenues à l’échéance du délai 3)CE 16 février 2022 Ministre de la Cohésion des territoires et Relations avec les collectivités territoriales, req. n° 420554.
La Cour rejette ensuite le grief tiré de la désignation de la même commissaire-enquêtrice pour l’enquête complémentaire que pour l’enquête initiale : aucun texte ni principe ne l’interdit et l’avis favorable émis, quand bien même la majorité des observations recueillies serait défavorable, ne révèle pas, à lui seul, une irrégularité. La requérante n’ayant assorti ces moyens d’aucun élément précis permettant d’en apprécier le bien-fondé, ils sont écartés.
La Cour écarte également le moyen tiré de l’absence d’analyse des incidences de la politique commerciale de l’exploitant aéroportuaire, inopérant, car ne respectant pas la cristallisation des moyens après sursis à statuer.
S’agissant du fond, la complétude de l’étude d’impact régularisée se fait point par point. Nous retiendrons particulièrement les développements suivants :
En premier lieu, sur la corrélation entre le nombre de passagers et celui de mouvements d’avions, la Cour constate que le résumé non technique relate des données historiques (2009–2019) montrant une croissance des passagers (+ 48 %) plus rapide que celle des mouvements (+ 8 %), expliquée par l’augmentation de l’emport et du taux de remplissage, destiné à se stabiliser (81,5 % à compter de 2024). Elle juge qu’aucune contradiction n’est démontrée avec les projections des annexes thématiques air-santé. L’argument qui impute à l’augmentation du seul trafic en vol une hausse de 26,6 % de la consommation de kérosène est rectifié : l’annexe sur les émissions de gaz à effet de serre ventile cette hausse pour partie au titre de la logistique du carburant (livraison, stockage, manutention) sur site. Enfin, la Cour rappelle que l’étude distingue l’empreinte carbone aéroportuaire « stricto sensu », pour laquelle une baisse d’environ 11 % est visée, et l’empreinte incluant le trafic aérien, pour laquelle l’étude d’impact acte une hausse des émissions cumulées sur 2024-2034 en cas de réalisation du projet (16 441 kt contre 14 711 kt en scénario de référence), de sorte qu’aucune présentation « trompeuse » n’est caractérisée.
En deuxième lieu, en ce qui concerne la qualité de l’air, la Cour relève que l’association requérante ne conteste pas les estimations chiffrées relatives au monoxyde d’azote et n’étaye pas l’affirmation de dépassements des recommandations de l’OMS. La question des particules ultrafines ne révélant pas davantage une carence substantielle : si l’étude et son résumé en parlent peu, le mémoire en réponse au procès-verbal d’enquête en traite explicitement, et la requérante n’allègue pas que cette présentation aurait nui à l’information du public ou influencé la décision.
En troisième lieu, pour ce qui est des nuisances acoustiques, la Cour opère un contrôle de l’exhaustivité de l’étude plutôt que de l’option méthodologique retenue. Elle estime à ce titre que la circonstance que l’étude, conclut par la suite, pour procéder à une analyse par comparaison à l’activité aéroportuaire, sur la base de ratios de surfaces et du nombre de personnes exposées, à une diminution de ces ratios n’est pas, à elle seule, de nature à conférer un caractère trompeur à ces données mises à disposition du public lors de l’enquête.
Dès lors, la cour administrative d’appel de Marseille juge que le vice tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact du projet sur l’environnement et la santé humaine a été régularisé et rejette la requête.
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