Vademecum à destination du juge de l’urbanisme : ne pas oublier les fins de non-recevoir avant de surseoir à statuer !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE 16 octobre 2024 commune de Châtillon et M.B, req. n° 473776 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Par une décision du 16 octobre 2024, le Conseil d’Etat a précisé l’office du juge qui sursoit à statuer sur le recours formé à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

En l’espèce, les requérants, voisins d’un projet d’extension et de surélévation d’une maison d’habitation, après démolition de constructions existantes, avaient attaqué le permis de construire initial et le permis de construire modificatif, ensemble les décisions de rejet de leurs recours gracieux. Le tribunal administratif avait sursis à statuer, par jugement avant-dire droit, pour permettre à la commune et au pétitionnaire de régulariser, dans le délai de six mois, les trois vices qu’il avait identifiés. Ce jugement avant dire-droit ayant été rendu en premier et dernier ressort (article R. 811-1-1 du code de justice administrative – CJA), le Conseil d’Etat s’est prononcé en tant que juge de cassation en joignant les deux pourvois formés respectivement par la commune et le pétitionnaire à son encontre (article L. 821-1 du CJA).

A cette occasion, dans son considérant de principe (point 2), le Conseil d’Etat a (i) rappelé les conditions de mise en œuvre de la régularisation, en cours d’instance, des vices entachant une autorisation d’urbanisme  1)CE sect. avis 18 juin 2014 Sté Batimalo, req. n° 376760, publié au Recueil ; CE sect. avis 2 octobre 2020 M. A, n° 438318, publié au Recueil, voir sur cet arrêt : Régularisation, en cours d’instance, des autorisations d’urbanisme : le Conseil d’Etat créé le permis de régularisation ne devant pas altérer la nature du projet ; CE 23 novembre 2022 Stés Les Jardins de Flore et Mont-Blanc, req. n° 449443, mentionné aux Tab. Rec. CE  et (ii) formulé, pour la première fois, l’obligation de statuer sur les fins de non-recevoir avant de sursoir à statuer  :

« Lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge administratif doit, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu’il fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Lorsqu’il décide de recourir à l’article L. 600-5-1, il doit, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, non seulement constater préalablement qu’aucun des autres moyens n’est fondé et n’est susceptible d’être régularisé et indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés, mais aussi statuer sur les fins de non-recevoir le cas échéant soulevées devant lui. »

Au cas présent, le jugement avant-dire droit ne s’était pas prononcé sur la fin de non-recevoir opposée par la commune en première instance tenant au défaut de justification de l’intérêt à agir des requérants. En outre, le jugement n’avait pas mentionné dans ses visas cette fin de non-recevoir. Faute d’avoir statué dessus, le Conseil d’Etat en a conclu que le jugement était irrégulier.

Par ailleurs, sur le fond, les juges du Palais Royal ont censuré le jugement pour erreur de droit, considérant que le juge ne peut se prononcer au regard de dispositions d’urbanisme exécutoires postérieurement à la délivrance du permis en litige (point 7).

Cet arrêt a rappelé également que l’impossibilité technique de réaliser les aires de stationnement correspondant aux prescriptions du plan local d’urbanisme (article L. 151-33 du code de l’urbanisme) pouvait être démontrée par les pièces du dossier, faisant état d’une surface constructible sur le terrain d’assiette insuffisante pour matérialiser les places de stationnement, et de la configuration des lieux (impossibilité technique de construire ces places en sous-sol). Le juge doit donc être attentif aux éléments versés par les parties au risque de dénaturer les pièces du dossier.

En conclusion, cet arrêt a annulé le jugement et a permis de compléter le vadémécum à destination du juge de l’urbanisme : avant de faire application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et donc de surseoir à statuer, le juge doit constater d’une part (i) le caractère infondé des autres moyens, et d’autre part, (ii) statuer sur les fins de non-recevoir, sous peine d’entacher d’irrégularité son jugement avant-dire droit.

 

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References   [ + ]

1. CE sect. avis 18 juin 2014 Sté Batimalo, req. n° 376760, publié au Recueil ; CE sect. avis 2 octobre 2020 M. A, n° 438318, publié au Recueil, voir sur cet arrêt : Régularisation, en cours d’instance, des autorisations d’urbanisme : le Conseil d’Etat créé le permis de régularisation ne devant pas altérer la nature du projet ; CE 23 novembre 2022 Stés Les Jardins de Flore et Mont-Blanc, req. n° 449443, mentionné aux Tab. Rec. CE 

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