Régularisation en cours d’instance : pas de seconde chance pour la même autorisation … mais un sauvetage possible de la mesure de régularisation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2024

Temps de lecture

3 minutes

CE sect. 14 octobre 2024 Société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, req. n° 471936 : publié au recueil CE

« Par la rédaction qu’il a retenue à cette fin [de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme], le groupe de travail n’a pas prétendu régler à l’avance toutes les questions – elles sont nombreuses – qui ne manqueront pas de se poser dans l’application de cette disposition. », indiquait le rapport Labetoulle 1)Construction et droit au recours, pour un meilleur équilibre, Rapport du 11 février 2013, groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle. en 2013.

Il faut reconnaître que, onze ans plus tard, cette prévision continue de se réaliser et que la jurisprudence relative à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme est abondante et fréquente.

Comme cela avait déjà été commenté, le Conseil d’État avait ainsi indiqué en 2020 2)CE sect. avis 2 octobre 2020 M. An° 438318, publié au Recueil qu’un permis de construire pouvait être régularisé par un nouveau permis portant atteinte à l’économie générale du projet, sous réserve que la nature du projet ne soit pas bouleversée.

De même, le Conseil d’État a permis 3)CE 17 mars 2021 Mme C..., req. n° 436073 : mentionné dans les tables du recueil Lebon que les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme soient mis successivement en œuvre, c’est-à-dire que le juge sursoie à statuer pour que le bénéficiaire puisse solliciter la régularisation d’un vice affectant un permis de régularisation pris dans le cadre d’un premier jugement sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Il y a quelques jours, dans la continuité de ces grandes décisions, la section du contentieux du Conseil d’État a rendu une décision importante sur la possibilité ou non d’utiliser plusieurs fois l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour une même autorisation.

Dans cette affaire, le préfet de Vaucluse avait accordé deux permis de construire pour l’édification d’un parc photovoltaïque sur son département.

Ces permis ont été contestés devant le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté les recours.

Les requérants ont fait appel de cette décision et, cette fois, la cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 28 décembre 2021, a reconnu que deux vices entachaient les arrêtés :

  • le premier tenait à l’absence de saisine de l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement d’une étude d’impact correspondant au projet (le projet et la nouvelle étude d’impact avaient évolué après que l’autorité environnementale avait rendu un avis, sans que celle-ci ait été saisie à nouveau) ;
  • le second tenait à l’insuffisance de l’étude d’impact soumise à enquête publique.

En application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, elle a sursis à statuer et laissé huit mois au préfet pour régulariser les vices retenus.

Pour ce faire, il fallait saisir l’autorité administrative de l’État compétente en matière environnementale d’une étude d’impact correspondant au projet et organiser une enquête publique complémentaire.

À quelques jours de l’expiration du délai de régularisation (le 28 août 2022), le préfet de Vaucluse a délivré deux permis de construire modificatifs.

Malgré cela, la cour a annulé, par un arrêt du 5 janvier 2023 4)CAA Marseille 5 janvier 2023 SCI Demeure Sainte-Croix, req. n° 19MA03660., le jugement du tribunal administratif, les deux arrêtés délivrant les permis de construire, ensemble les arrêtés délivrant les permis de construire modificatifs au motif que l’étude d’impact complémentaire soumise à l’avis de la MRAe et à l’enquête publique restait insuffisante.

Le bénéficiaire des permis annulé a formé un pourvoi en cassation, soutenant que la cour aurait dû surseoir à statuer une deuxième fois pour offrir une nouvelle chance de régularisation, faute de quoi elle a commis une erreur de droit.

Le Conseil d’État précise alors que si, après un premier sursis à statuer, l’autorisation initiale n’est toujours pas régularisée, le juge ne peut pas en prononcer un nouveau :

« Lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré. »

Au passage le Conseil d’État en profite pour indiquer qu’en revanche si un vice entache la décision de régularisation en elle-même, il peut surseoir à statuer dans les conditions normales de l’article L. 600-5-1 :

« Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Il en va de même lorsque le juge constate que la légalité de l’autorisation d’urbanisme prise pour assurer la régularisation de ce premier vice est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre. »

 

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References   [ + ]

1. Construction et droit au recours, pour un meilleur équilibre, Rapport du 11 février 2013, groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle.
2. CE sect. avis 2 octobre 2020 M. An° 438318, publié au Recueil
3. CE 17 mars 2021 Mme C..., req. n° 436073 : mentionné dans les tables du recueil Lebon
4. CAA Marseille 5 janvier 2023 SCI Demeure Sainte-Croix, req. n° 19MA03660.

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