Circulaire du 30 août 2021 : contractualisation et planification locale pour lutter contre l’artificialisation des sols

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

September 2021

Temps de lecture

6 minutes

Circulaire du 30 août 2021 : contractualisation et planification locale pour lutter contre l’artificialisation des sols

La circulaire publiée par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et par le ministère de la transition écologique le 30 août 2021 vise à encourager les préfets de régions et de départements à déployer en lien avec les collectivités territoriales plusieurs outils pour lutter contre l’artificialisation des sols.

En introduction, les ministres indiquent que, depuis 2017, le gouvernement porte une ambition de revitalisation des territoires avec un équilibre exigeant entre développement des territoires urbains, ruraux et maitrise de l’artificialisation des sols.

L’objectif du Gouvernement est de contribuer à la lutte contre l’artificialisation des sols et atteindre en 2050 le Zéro artificialisation nette.

Cette circulaire s’inscrit en lien avec la récente loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (la « loi climat ») qui vise à réduire de moitié, sur les dix prochaines années, le rythme d’artificialisation des sols au niveau national 1)Voir article de notre blog écrit sur le sujet : Adoption définitive de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience : le texte en onze points. Pour les auteurs de la circulaire, cet objectif devra être décliné au niveau régional d‘ici 2 ans et jusqu’au niveau local d’ici 6 ans maximum.

Pour atteindre cet objectif, quatre piliers détaillés ci-dessous sont mis en avant par la circulaire, qu’il est demandé aux préfets de régions et de départements de consolider et de déployer, en lien avec les collectivités territoriales sans attendre les textes d’application de la loi climat :

  • Une stratégie territoriale à moyen terme à l’échelle d’un bassin de vie par la mise en place de contrats de relance et de transition écologique (les « CRTE »).
  • Des outils opérationnels : à travers deux outils d’une part, les opérations de revitalisation des territoires (ORT) créées par la loi ELAN de 2018 2)Article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation et d’autre part, les projets partenariaux d’aménagement (PPA) 3)Articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l’urbanisme
  • Des outils de planification locale : par l’élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT) comprenant des plans d’aménagement stratégiques et l’établissement renforcé de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi).
  • Enfin, des moyens renforcés d’intervention : l’accompagnement par l’Etat de projets de restructuration et de rénovation d’espaces artificialisés aux collectivités, par exemple grâce aux crédits de France relance (Fonds friche, aide à la construction durable, …).

Ces quatre piliers doivent reposer sur l’adhésion large des élus. La circulaire souligne la nécessité d’un « cadre de travail de confiance au sein du bloc local » et prévoit que les préfets rendront compte de la mise en œuvre de la circulaire sous un délai de 6 mois.

Ci-après, le détail des 4 piliers et du rôle des préfets dans leur mise en œuvre.

1.    Stratégie territoriale à moyen terme à l’échelle d’un bassin de vie via les CRTE

Ces contrats de relance et de transition écologique d’une durée de 6 ans créent un cadre partenarial pour aboutir à une réflexion commune en lien avec les collectivités et acteurs locaux et une mise en œuvre de nouvelles orientations en matière d’aménagement de l’espace et de sobriété foncière. Le premier ministre avait adressé aux préfets une circulaire 4)Circulaire n° 6231/SG du 20 novembre 2020 sur l’élaboration des contrats territoriaux de relance et de transition énergétique le 20 novembre 2020 relative à l’élaboration de ces contrats.

Cette concertation avec les collectivités et acteurs locaux doit reposer selon la circulaire prioritairement sur un diagnostic local préalable qui identifiera divers besoins « en matière d’habitat, de commerce, d’industrie, d’infrastructures et d’équipements, en veillant à les penser ensemble, en évitant que ces fonctions se concurrencent entre elles ».

Par ailleurs, la circulaire incite les préfets de régions et de départements à soutenir en priorité au cours de ces 6 ans de CRTE les projets alliant développement urbain et sobriété foncière, ainsi que les aménagements urbains soucieux de l’environnement.

« (…) tels que la construction durable de logements, la rénovation des logements et les commerces en cœur de ville, le recyclage des friches et des zones d’activités économiques en périphérie. Vous veillez en particulier aux aménagements urbains, qui contribuent à rendre la ville attractive et renforcent sa résilience face au changement climatique, pour atténuer les effets des canicules et des inondations par exemple ».

2.     Les outils opérationnels et réglementaires : les opérations de revitalisation des territoires (ORT) et le projet partenarial d’aménagement (PPA)

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) a créé de nouveaux outils contractuels en faveur de l’aménagement des territoires, les contrats de projet partenarial d’aménagement (PPA) et les conventions d’opération de revitalisation des territoires (ORT).

La circulaire du 4 février 2019 relative à l’accompagnement par l’Etat des projets d’aménagement des territoires 5)Voir article de notre blog sur le sujet en février 2019 apportait déjà des informations sur la nature, les objectifs, l’élaboration, le contenu et le périmètre de mise en œuvre du PPA et de la convention ORT.

En premier lieu, en ce qui concerne les opérations de revitalisation des territoires (ORT).

La circulaire encourage les préfets à inciter les communes et intercommunalités à s’engager dans ces opérations de revitalisation des territoires notamment les villes engagées dans le programme Petite Villes de demain puis celles dans le programme Action cœur de ville. A ce jour, la circulaire note que 228 conventions sont signées concernant 362 communes.

En second lieu, en ce qui concerne le projet partenarial d’aménagement (PPA).

La circulaire invite les préfets à inciter les collectivités à conduire un projet partenarial d’aménagement. Le contrat de PPA met au premier plan le niveau intercommunal pour mener des opérations d’aménagement complexes associant collectivités, Etat et / ou ses établissements publics. En effet, un PPA peut prévoir la création d’une grande opération d’urbanisme (GOU) au sein de laquelle l’exercice de compétences dérogera au droit commun 6)Articles L. 312-3 et s. du code de l’urbanisme

3.     Les outils de planification locale : développement des PLUi

Comme le rappelle la présente circulaire, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) a instauré en son article 136 un transfert de la compétence automatique en matière de PLU aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Au 31 décembre 2020, 50,8% des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre détiennent la compétence PLU couvrant une population d’environ 40 millions d’habitants. Ces chiffres bien que constituant un « socle prometteur, demeurent insuffisants et de fortes disparités territoriales demeurent » relèvent les auteurs de la circulaire.

Le développement de PLUi à l’échelle intercommunale garantit pourtant l’efficacité de stratégies territoriales en matière de sobriété foncière dans la durée. La circulaire invoque en effet une série d’arguments promouvant l’échelle intercommunale :

« Elle permet d’assurer, à travers les problématiques d’urbanisme, l’articulation et la cohérence des politiques locales d’aménagement du territoire en matière d’habitat, d’activités économiques, de transport et de protection de l’environnement. Elle facilite la prise en compte des enjeux de limitation de la consommation d’espaces naturels et de lutte contre l’artificialisation des sols, afin d’aboutir à des planifications cohérentes et économes de l’espace. Elle permet enfin des économies d’échelle au niveau financier et une montée en puissance de l’ingénierie territoriale ».

Deux mesures permettraient de favoriser et de dynamiser le processus des PLUi d’après la circulaire :

  • D’une part, il est recommandé aux préfets de prendre l’attache des présidents des EPCI à fiscalité propre qui détiennent la compétence PLU et les inviter à conduire les travaux d’élaboration – révision du document et identifier les points de blocage.
  • D’autre part, il est recommandé aux préfets d’engager une réflexion avec les acteurs concernés (communes et EPCI à fiscalité propre) afin d’identifier les points de blocage qui s’opposent au transfert de la compétence PLU aux EPCI.

Le rôle des communes dans l’exercice de cette compétence intercommunale n’en est pour autant négligé :

  • D’abord, les dispositions de la loi ALUR ont assorti le transfert de compétence du PLU d’un droit de veto (le délai pour exercer ce droit étant fixé au 30 juin 2021) : dès lors qu’au moins 25% des communes représentant au moins 20% de la population s’y opposent, le transfert n’a pas lieu ;
  • Ensuite, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique garantit la prise en compte des avis des communes à toutes les étapes du PLUi avant son adoption, par exemple la modification du projet en cas d’avis défavorable d’une commune, au cours de sa mise en œuvre par la possibilité pour un maire de proposer une modification simplifiée et a posteriori lors de son évaluation. L’annexe de la présente circulaire présente les dispositifs associant les communes à l’exercice de cette compétence PLUi.

4.     Des moyens renforcés d’intervention

Dans le cadre de cette stratégie territoriale de sobriété foncière, l’Etat mobilise un certain nombre de moyens qu’il s’agira de mettre en œuvre par les préfets de régions et de départements.

  • Mobilisation prioritaire de la dotation générale de décentralisation de l’urbanisme, dotée de 23M€ chaque année, au bénéfice des collectivités qui s’engagent dans un processus d’élaboration d’un PLUi prévue à l’article R. 1614-46 du CGCT.
  • Eligibilité au FCTVA des dépenses exposées par les communes et leurs EPCI pour les études, l’élaboration, la modification et la révision de leurs documents d’urbanisme depuis la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances.
  • Faire connaître l’offre d’ingénieur de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires destinée à accompagner les collectivités dans l’élaboration et mise en œuvre des CRTE, PLUi et des ORT.
  • Mobilisation par les préfets des dotations aux collectivités (DSIL, DETR, FNADT) et les moyens de France relance (Fonds friche, Fonds pour la revitalisation commerciale, aides à la pierre pour le parc privé et le parc social) pour les projets d’investissements les plus vertueux.

 

 

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References   [ + ]

1. Voir article de notre blog écrit sur le sujet : Adoption définitive de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience : le texte en onze points
2. Article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation
3. Articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l’urbanisme
4. Circulaire n° 6231/SG du 20 novembre 2020 sur l’élaboration des contrats territoriaux de relance et de transition énergétique
5. Voir article de notre blog sur le sujet en février 2019
6. Articles L. 312-3 et s. du code de l’urbanisme

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