Compétence du juge d’appel pour connaître en premier et dernier ressort du recours contre un permis de construire de « régularisation » délivré après l’annulation totale d’un permis initial par un jugement frappé d’appel !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 15 décembre 2021 Mme G… J… et autres, req. n° 453316 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat précise que lorsque le juge d’appel est saisi d’une requête d’appel contre un jugement d’un tribunal administratif ayant totalement annulé un permis de construire en retenant l’existence d’un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d’appel est compétent pour connaître de sa contestation.

Par conséquent, le tribunal administratif saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé contre ce PC de régularisation doit le transmettre à la cour administrative d’appel saisie de l’appel contre le jugement relatif au permis initial.

1.    Le contexte du pourvoi

Par un arrêté du 2 juillet 2018, le maire de la commune de Heillecourt a délivré un permis de construire à la SSCV Viridis République portant sur un ensemble de vingt-et-un logements.

Ce permis a fait l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif a annulé le permis attaqué et rejeté les conclusions de la commune et de la pétitionnaire tendant à la mise en œuvre des dispositifs de régularisation permis par le code de l’urbanisme – l’annulation partielle et le sursis à statuer, respectivement l’article L. 600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme en considérant que les vices relevés n’étaient pas susceptibles d’être régularisés.

La commune et la bénéficiaire du permis ont interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nancy, devant laquelle ces instances sont actuellement pendantes.

Dans l’intervalle, le maire d’Heillecourt par un arrêté du 2 juillet 2020 délivré à la SCCV Viridis République un permis de construire un ensemble de vingt logements à la même adresse visant à régulariser le permis de construire annulé

Une demande d’annulation de ce nouveau permis a été introduite devant le tribunal administratif de Nancy.

La présidente du tribunal administratif de Nancy a transmis les dossiers à la cour administrative d’appel par trois ordonnances du 20 mai 2021 considérant que l’arrêté du 2 juillet 2020 visait à régulariser les vices relevés par le tribunal administratif dans son jugement du 7 mai 2019 et qu’il résultait de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme que la cour était seule compétente pour connaître des conclusions contre ce nouvel arrêté.

En application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, aux termes duquel « en cas difficultés particulières, il [la cour administrative d’appel ou le tribunal administratif] peut transmettre sans délai le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l’affaire à la juridiction qu’il déclare compétente », la présidente de la cour administrative d’appel de Nancy a transmis au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat les requêtes formées contre le deuxième permis de construire.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat est amené à rappeler l’office du juge d’appel dans le cadre des procédures de régularisation du contentieux d’urbanisme.

2.    La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat se prononce sur l’office du juge en appel en matière de régularisation d’autorisation d’urbanisme.

A ce titre, il rappelle l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme issu de la loi  n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « ELAN » lequel prévoit que lorsqu’une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire initialement délivré et que cette mesure de régularisation a été communiquée aux parties à cette instance, la légalité de l’acte de régularisation ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

La Haute juridiction avait déjà  eu l’occasion de préciser l’office du juge d’appel lorsqu’une mesure de régularisation est délivrée à la suite d’une annulation partielle par les premiers juges dans une décision du 15 février 2019 Commune de Cogolin 1)CE 15 février 2019, Commune de Cogolin req. n° 401384 ; voir notre article sur le blog. par laquelle elle avait jugé que :

  • l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme est applicable aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur soit le 1er janvier 2019 ;
  • lorsque le juge d’appel est saisi d’un appel contre le jugement du tribunal administratif ayant partiellement annulé un permis de construire, il est également compétent pour connaître du permis modificatif délivré aux fins de régulariser les vices du permis initial relevés par ce jugement.

Par cette décision du 15 décembre 2021, le Conseil d’Etat parachève sa jurisprudence en jugeant que cette solution s’applique également lorsque le permis a été totalement annulé en première instance.

A noter, en revanche, que lorsqu’un sursis à statuer a été prononcé dans un jugement avant dire droit en première instance alors les requérants ne peuvent contester la légalité de la mesure de régularisation, sur laquelle le tribunal administratif les a invités à présenter des observations, que dans le cadre de la même instance. La circonstance qu’ils aient formé appel contre le jugement avant dire droit est sans incidence à cet égard 2)CE 5 février 2021, M. et Mme Boissery, req. n° 430990.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 15 février 2019, Commune de Cogolin req. n° 401384 ; voir notre article sur le blog.
2. CE 5 février 2021, M. et Mme Boissery, req. n° 430990

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