Démolir et reconstruire (même partiellement) n’est pas agrandir : nouvelles précisions sur l’assiette de la taxe d’aménagement et de la redevance d’archéologie préventive

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2022

Temps de lecture

5 minutes

CE 31 mars 2022 SCI Aix Lesseps et Tubingen, req. n° 460168 : aux T

Le 5 septembre 2017, la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature du ministère du logement et de l’habitat a mis à jour sa « Note relative à l’impact de la jurisprudence du 10 mai 2017 n° 393485 sur la taxe d’aménagement » 1)Par la décision SARL Gej immo Thouars , relative à l’ancienne taxe local d’équipement, le Conseil d’Etat a précisé que dans le cadre de travaux qui ont pour effet de démolir et reconstruire certains planchers et d’augmenter la surface de plancher de la construction, seule l’augmentation de la surface de construction doit être prise en compte pour le calcul de cette taxe. Autrement dit, une opération d’agrandissement correspond à une augmentation de la surface de construction (CE 10 mai 2017 SARL Gej immo Thouars, req. n° 393485 : aux T). Saisi d’un recours en annulation d’une partie des mentions figurant dans ce document, le Conseil d’Etat en profite pour préciser l’assiette de la taxe d’aménagement et de la redevance d’archéologie préventive.

1          La Haute juridiction rappelle à titre liminaire, qu’en application de l’article L. 331-10 du code de l’urbanisme, la taxe d’aménagement est assise sur la surface créée à l’occasion de toute opération d’aménagement 2)Les opérations d’aménagement concernent les installations et aménagements listés à l’article L. 331-13 du code de l’urbanisme. Il s’agit des tentes, caravanes, résidences mobiles de loisirs, des habitations légères de loisirs, des piscines, des éoliennes d’une hauteur supérieure à 12 mètres, des panneaux photovoltaïques au sol et les aires de stationnement non comprises dans la surface visée à l’article L. 331-10 du code de l’urbanisme, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement de bâtiments.

Toutefois, la prise en compte de la surface supprimée varie selon la nature de l’opération :

  • lorsque l’opération consiste en une reconstruction, définie comme « une opération comportant la construction de nouveaux bâtiments à la suite de la démolition totale des bâtiments existants», la taxe est assise sur la totalité de la surface de la construction nouvelle. La surface supprimée n’est alors pas déduite 3)C’est ce que le Conseil d’Etat avait jugé dans sa décision CE 25 mars 2021 SCCV Villa Florence, req. n° 431603 : aux T – commenté sur le blog,
  • lorsque l’opération porte sur une reconstruction totale d’une partie divisible de bâtiments existants, la surface supprimée ne doit également pas être déduite,
  • lorsqu’il s’agit d’un agrandissement, qui est défini comme une « une opération ayant pour conséquence une augmentation nette de la surface d’un bâtiment préexistant » consistant en une extension physique, horizontale ou verticale d’un bâtiment présentant un lien physique et fonctionnel avec la construction existante 4)Article 331-1 du code de l’urbanisme, alors la taxe d’aménagement est assise sur la seule surface créée (i.e la surface nette). Dans ce cas, la surface supprimée doit être déduite de la surface créée 5)La solution est ainsi identique à celle qui trouvait à s’appliquer pour la taxe locale d’équipement – CE 10 mai 2017 SARL Gej Immo Thouars, req. n° 393485 : aux T.

Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme que ne peut être considérée comme un agrandissement une opération impliquant une diminution de la surface taxable à la suite de travaux affectant un bâtiment existant.

En revanche, les surfaces supprimées ne sont jamais déduites de la redevance d’archéologie préventive, quand bien même la surface à prendre en compte pour établir l’assiette de la redevance est définie par renvoi aux dispositions applicables à la taxe d’aménagement. En application de l’article L. 524-2 du code du patrimoine, cette redevance  est due pour les travaux affectant le sous-sol et qui sont soumis à autorisation ou déclaration préalable, donnent lieu à une étude d’impact ou, dans le cas de travaux d’affouillement. C’est uniquement lorsque la redevance est due en raison de travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable, que l’assiette est déterminée dans les conditions prévues pour la taxe d’aménagement 6)Article L. 524-7 du code du patrimoine.

Or, et ainsi que le soulignent les conclusions de Mme Ciavaldini sur la décision commentée, le fait générateur de la redevance d’archéologie diffère de celui de la taxe d’aménagement.

En effet, d’une part, les textes font référence aux opérations d’agrandissement que pour la seule taxe d’aménagement et, d’autre part, la redevance d’archéologie préventive est due uniquement dans l’hypothèse où les travaux affectent le sous-sol, indifféremment de la nature de l’opération (aménagement, construction, reconstruction, agrandissement).

2          Après avoir posé ce cadre, le Conseil d’Etat rejette la question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») soulevée par les requérantes sur la conformité de l’interprétation des articles L. 331-6 et L. 331-10 du code de l’urbanisme résultant de la jurisprudence du Conseil d’Etat 7)Nous comprenons des conclusions de Mme Ciavaldini sur la décision que les requérantes critiquaient l’interprétation découlant de la jurisprudence SARL Gej Immo Thouars ainsi que de la décision SCCV Villa Florence et autres en ce qu’elles appliquent une logique de taxation différente pour des opérations réalisées sur des constructions existantes. avec les droits et libertés que la Constitution garantit.

Pour motiver la non transmission de la QPC au Conseil constitutionnel, la Haute juridiction relève tout d’abord que la différence de calcul de l’assiette de la taxe en fonction de la nature de l’opération se justifie au regard de la nature des travaux qu’elle implique. Le Conseil d’Etat identifie ainsi une situation différente entre le cas où une opération implique la démolition totale ou partielle d’un bâtiment et sa reconstruction et le cas où cette opération conduit à un agrandissement de la surface nette. Ce n’est que dans le second cas que se justifie un raisonnement fondé sur la surface nette. Il estime qu’il s’agit là d’opérations distinctes justifiant une différence de traitement. Il n’y a donc pas d’atteinte au principe d’égalité. En revanche, la même logique s’impose aux cas où l’opération implique la reconstruction totale du bâtiment et où elle implique la reconstruction d’une partie divisible du bâtiment, puisqu’il s’agit de deux opérations comparables.

Il écarte ensuite la reconnaissance d’une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, dans la mesure où les critères de détermination de l’assiette de la taxe d’aménagement sont définis « selon des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec son objet ». Ce faisant, il n’estime pas que ces règles pourraient conduire à un effet de seuil, dans la mesure où tant pour une opération de reconstruction totale que pour une opération de reconstruction d’une fraction divisible du bâtiment, la surface supprimée n’est pas déduite.

Enfin, il juge que le législateur peut, sans méconnaître la Constitution, inclure dans l’assiette de l’imposition, un élément qui a déjà été compris dans la base d’assujettissement d’une autre opération pour le même impôt.

3          Enfin, se prononçant sur le fond de la requête, le Conseil d’Etat rejette le recours puisque la note :

  • n’admet, conformément aux principes énoncés, la déduction des surfaces supprimées que pour les seules opérations d’agrandissement. En effet, les opérations de démolition totale et de reconstruction s’apparentent à des opérations de constructions, il n’y a donc pas lieu de raisonner en terme de « surfaces nettes créées »,
  • inclut, dans les opérations de reconstruction, sans déduction de la surface supprimée, les démolitions partielles suivies d’une reconstruction de la partie démolie sans agrandissement dès lors qu’elles portent sur une partie divisible du bâtiment. A notre sens, cela signifie que la simple démolition / reconstruction de planchers ne pourra pas donner lieu à un assujettissement à la TA sur la surface brute dans la mesure où une telle opération ne peut s’analyser comme portant sur une partie divisible d’un bâtiment.
  • ne soumet pas la redevance d’archéologie préventive aux principes dégagés par le Conseil d’Etat dans la détermination de la surface à prendre en compte. Ainsi les agrandissements n’impliquent pas de déduire de l’assiette de la redevance la surface supprimée. Les conclusions précisent sur ce point que la redevance d’archéologie préventive est assise sur « la seule surface construite au droit de l’emprise au sol concernée par les travaux affectant le sous-sol ».

 

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1. Par la décision SARL Gej immo Thouars , relative à l’ancienne taxe local d’équipement, le Conseil d’Etat a précisé que dans le cadre de travaux qui ont pour effet de démolir et reconstruire certains planchers et d’augmenter la surface de plancher de la construction, seule l’augmentation de la surface de construction doit être prise en compte pour le calcul de cette taxe. Autrement dit, une opération d’agrandissement correspond à une augmentation de la surface de construction (CE 10 mai 2017 SARL Gej immo Thouars, req. n° 393485 : aux T
2. Les opérations d’aménagement concernent les installations et aménagements listés à l’article L. 331-13 du code de l’urbanisme. Il s’agit des tentes, caravanes, résidences mobiles de loisirs, des habitations légères de loisirs, des piscines, des éoliennes d’une hauteur supérieure à 12 mètres, des panneaux photovoltaïques au sol et les aires de stationnement non comprises dans la surface visée à l’article L. 331-10 du code de l’urbanisme
3. C’est ce que le Conseil d’Etat avait jugé dans sa décision CE 25 mars 2021 SCCV Villa Florence, req. n° 431603 : aux T – commenté sur le blog
4. Article 331-1 du code de l’urbanisme
5. La solution est ainsi identique à celle qui trouvait à s’appliquer pour la taxe locale d’équipement – CE 10 mai 2017 SARL Gej Immo Thouars, req. n° 393485 : aux T
6. Article L. 524-7 du code du patrimoine
7. Nous comprenons des conclusions de Mme Ciavaldini sur la décision que les requérantes critiquaient l’interprétation découlant de la jurisprudence SARL Gej Immo Thouars ainsi que de la décision SCCV Villa Florence et autres en ce qu’elles appliquent une logique de taxation différente pour des opérations réalisées sur des constructions existantes.

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