L’affaire du siècle : l’Etat condamné à la réparation du préjudice écologique

Catégorie

Environnement

Date

October 2021

Temps de lecture

3 minutes

TA Paris 14 octobre 2021 Association Oxfam France, req. n° 1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1

Par un jugement du 3 février 2021 1)TA Paris 3 février 2021 Association notre affaire à tous et a., req. n° 1904967-1904968-1904972-1904976, le tribunal administratif de Paris avait jugé que l’Etat devait réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a également ordonné un supplément d’instruction avant de statuer sur l’évaluation et les modalités de réparation concrètes de ce préjudice 2)Ce jugement a fait l’objet d’un commentaire sur le blog d’Adden.

Par ce nouveau jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris se prononce désormais sur l’étendue du préjudice et sur les modalités de sa réparation.

1.      Sur l’étendue du préjudice causé par la carence fautive de l’Etat

Le tribunal indique tout d’abord qu’étant saisi d’un litige tendant à la réparation du préjudice écologique né du dépassement du premier budget carbone et à la prévention ou la cessation des dommages constatés, il ne lui revient pas de se prononcer sur le caractère suffisant de l’ensemble des mesures susceptibles de permettre d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Pour mémoire, cet élément a été tranché par le Conseil d’Etat dans sa décision du 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe 3)CE 1er juillet 2021 Commune de Grande Synthe, req. n°427301 : Rec. CE – Commentée sur le blog d’Adden.

Il lui revient en revanche de vérifier, à la date du jugement, si ce préjudice perdure et s’il a déjà fait l’objet de mesures de réparation.

Sur ce point, le tribunal constate que le plafond d’émissions de gaz à effet de serre fixé par le premier budget carbone pour la période 2015-2018 a été dépassé de 62 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt CO2eq). Si la baisse constatée au cours de l’année 2020 résulte de l’épidémie de covid-19 et non de la prise de mesures visant à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, le tribunal propose tout de même d’en tenir compte en ce qu’elle permet, pour partie, de réparer le préjudice.

Malgré tout, le tribunal constate que le préjudice perdure à hauteur de 15 Mt CO2eq.

2.     Sur la réparation du préjudice

Ayant constaté la persistance du préjudice, le tribunal administratif de Paris fait ensuite droit à la demande d’injonction à réparer, sollicitée par les associations requérantes.

Au passage, le tribunal administratif répond à la ministre de la transition écologique qui soutenait que l’injonction prononcée par le Conseil d’État dans sa décision Commune de Grande-Synthe du 1er juillet 2021 4)CE 1er juillet 2021 Commune de Grande Synthe, req. n°427301 : Rec. CE – Commentée sur le blog d’Adden permettait déjà de réparer le préjudice écologique constaté. Mais pour le juge administratif, si cette injonction vise à faire respecter l’objectif global d’une baisse des émissions de GES de 40 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990, elle ne porte pas spécifiquement sur la réparation du quantum du préjudice associé au dépassement du premier budget carbone.

Par conséquent, le tribunal administratif ordonne au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur du dépassement restant de 15 Mt CO2eq.

Les modalités de cette réparation pourront prendre diverses formes, le tribunal laisse le contenu de ces mesures à l’appréciation du gouvernement. Précisons sur ce point que l’article 1249 du code civil prévoit que la réparation du préjudice écologique doit s’effectuer par priorité en nature.

Et, afin de prévenir une aggravation des dommages constatés dus au caractère continu et cumulatif des émissions de gaz à effet de serre, le tribunal juge impératif que des mesures soient prises dans un délai bref. La réparation devra donc être effective au plus tard le 31 décembre 2022.

En revanche, le tribunal n’assortit pas son injonction d’une astreinte.

 

 

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References   [ + ]

1. TA Paris 3 février 2021 Association notre affaire à tous et a., req. n° 1904967-1904968-1904972-1904976
2. Ce jugement a fait l’objet d’un commentaire sur le blog d’Adden
3, 4. CE 1er juillet 2021 Commune de Grande Synthe, req. n°427301 : Rec. CE – Commentée sur le blog d’Adden

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