Le décret n°2022-422 pris dans ses propres filets : annulation de l’article 8 du décret du 25 mars 2022 en tant qu’il ne prévoit pas d’exception au défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction pour une déclaration préalable ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale à la suite de la mise en œuvre de la « clause-filet »

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2023

Temps de lecture

4 minutes

CE 4 octobre 2023, Association France nature environnement, Union sociale pour l’habitat et autres 1)Fédération des promoteurs immobiliers, Fédération française du bâtiment (pôle habitat) et Union nationale des aménageurs , req. n°465621, 467653, Rec. CE

Décision n°465921 et n°467653 du 4 octobre 2023 du Conseil d’Etat statuant au contentieux

Par une décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat annule l’article 8 du décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 uniquement en tant qu’il ne prévoit pas d’exception aux dispositions de l’article R.424-1 du code de l’urbanisme dans l’hypothèse où une déclaration préalable a fait l’objet d’une évaluation environnementale à la suite de la mise en œuvre de la ” clause-filet ” prévue au I de l’article R. 122-2-1du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de son article 1er.

Pour mémoire, le Conseil d’Etat a précédemment annulé le décret n°2018-435 du 4 juin 2018 en ce qu’il exemptait systématiquement certains projets d’évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, alors que ces projets pouvaient avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard d’autres critères, notamment la localisation (CE 15 avril 2021 Asso. France Nature Environnement, req. n° 425424 : mentionné aux Tab. Rec. CE – cf. notre commentaire). Il avait enjoint au Gouvernement de modifier les dispositions réglementaires, ce qui a donné naissance, certes au-delà du délai imparti 2)Malgré son retard, le Conseil d’Etat a considéré que le Gouvernement avait exécuté sa décision du 15 avril 2021 (la requête de l’Association France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier ayant été rejetée par la décision du CE 20 janvier 2023 Asso. France Nature Environnement, req. n°464129 – cf. notre commentaire)., au décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 instaurant le dispositif dit de la « clause-filet » prévu au I de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement (cf. notre commentaire).

A son tour, ce décret n° 2022-422 a fait l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir introduit, d’une part, par l’association France Nature Environnement (FNE) et d’autre part, par l’Union sociale pour l’habitat, la Fédération des promoteurs immobiliers, la Fédération française du bâtiment (pôle habitat) et l’Union nationale des aménageurs ; les deux requêtes ayant été jointes pour permettre au Conseil d’Etat de statuer par une seule décision.

Les requérantes ont soulevé un certain nombre de moyens d’illégalité. Si la requête de l’association FNE a été rejetée dans son ensemble, les juges du Palais-Royal ont accueilli un moyen soulevé par l’Union sociale pour l’habitat (et autres) concernant les dispositions de l’article L.122-1-1 du code de l’environnement.

En effet, le Conseil d’Etat considère que : « il résulte des dispositions des articles L. 122-1-1 et L. 123-2 du code de l’environnement et L. 424-4 du code de l’urbanisme précitées que lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en œuvre de la ” clause-filet “, la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite.»

En effet, lorsqu’un projet soumis à évaluation environnementale relève d’un régime déclaratif, ce projet doit être autorisé par une décision qui contient en annexe les éléments mentionnés au I de l’article L.122-1-1 du code de l’environnement 3)« La décision de l’autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l’environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d’ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l’environnement ou la santé humaine.» (article L.122-1-1 du code de l’environnement) (article L.122-1-1 du code de l’environnement et article L.424-4 du code de l’urbanisme). Par ailleurs, l’article L.123-2 du code de l’environnement prévoit que les demandes de « permis de construire, d’aménager ou de démolir et des déclarations préalables, prévues au livre IV du code de l’urbanisme » portant sur des projets de travaux, de construction ou d’aménagement donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas font l’objet d’une participation du public par voie électronique en application de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, et ne peuvent aussi résulter que d’une décision explicite.

« Toutefois », comme l’indique le Conseil d’Etat, le décret attaqué n’a pas apporté de « modification, ni de dérogation » aux dispositions de l’article R. 424-1 du code de l’urbanisme, qui disposent que le silence gardé par l’autorité compétente au terme du délai d’instruction sur une déclaration préalable vaut décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable (article R. 424-1 a) du code de l’urbanisme).

En effet, si l’article 8 du décret a modifié l’article R. 424-2 du code de l’urbanisme (nouvel alinéa d) ) en introduisant une exception au « b) de l’article R. 424-1 », soit au principe du silence vaut autorisation tacite pour les permis de construire, permis d’aménager ou permis de démolir, portant sur des projets de travaux, de construction ou d’aménagement soumis à la participation du public par voie électronique en application de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, dès lors qu’ils donnent lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après examen au cas par cas, il n’en est rien pour les déclarations préalables.

En l’état, une déclaration préalable qui donne lieu à une évaluation environnementale, à la suite d’un examen au cas par cas initié par le mécanisme de la « clause filet », ne connait pas d’exception au principe de l’article R.424-1 du code de l’urbanisme.

Ainsi, le Conseil d’Etat estime que « le pouvoir réglementaire a méconnu les dispositions des articles L. 122-1-1 et L.123-2 du code de l’environnement et de l’article L.424-4 du code de l’urbanisme qui imposent que toute décision conduisant à autoriser un projet soumis à évaluation environnementale soit expresse et comporte les éléments mentionnés au I de l’article L.122-1-1 ».

Le Conseil d’Etat sanctionne donc l’absence d’exception aux dispositions de l’article R.424-1 pour les déclarations préalables par l’annulation partielle de l’article 8 du décret n° 2022-422 du 25 mars 2022. Cela sous-entend que le Gouvernement devra, à nouveau, revoir sa copie pour compléter le dispositif de transposition de l’exigence d’une évaluation environnementale en application de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011. Toutefois, notons, que cette fois-ci, la décision du Conseil d’Etat ne comporte pas d’injonction. Dans l’attente de la modification du texte réglementaire, es porteurs de projets devront s’assurer que leurs projets relevant du champ d’application de la déclaration préalable et soumis à évaluation environnementale par la mise en œuvre de la « clause filet », en application du I de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement, font l’objet d’une décision de non-opposition à déclaration préalable expresse mentionnant en annexe les éléments du I de l’article L.122-1-1 du code de l’environnement.

 

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References   [ + ]

1. Fédération des promoteurs immobiliers, Fédération française du bâtiment (pôle habitat) et Union nationale des aménageurs
2. Malgré son retard, le Conseil d’Etat a considéré que le Gouvernement avait exécuté sa décision du 15 avril 2021 (la requête de l’Association France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier ayant été rejetée par la décision du CE 20 janvier 2023 Asso. France Nature Environnement, req. n°464129 – cf. notre commentaire).
3. « La décision de l’autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l’environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d’ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l’environnement ou la santé humaine.» (article L.122-1-1 du code de l’environnement

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