Périmètre de la compétence du Conseil d’Etat pour statuer en premier et dernier ressort sur la légalité d’une mesure de régularisation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2025

Temps de lecture

3 minutes

CE 17 mars 2025 M. et Mme F, req. n° 497329 : mentionnée dans les tables du recueil Lebon

Par la décision commentée mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat se prononce sur sa compétence pour statuer en premier et dernier ressort sur la légalité d’un permis modificatif, lorsque le jugement du tribunal administratif, également rendu en premier et dernier ressort, a annulé partiellement un permis de construire et autorisé la régularisation du vice identifié.

La solution justifie d’en exposer au préalable le contexte juridique.

1             En application de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme, lorsqu’une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre un permis de construire et que cette mesure de régularisation a été communiquée aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

Deux décisions signalées du Conseil d’Etat se sont prononcées sur les obligations qui incombent au tribunal administratif sur le fondement de ce texte dans l’hypothèse où il a prononcé l’annulation partielle d’un permis de construire et fixé un délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation 1)Article L. 600-5 du code de l’urbanisme..

Par une première décision Commune de Cogolin du 15 février 2019, notamment publiée au recueil Lebon sur ce point 2)CE 15 février 2019 Commune de Cogolin, req. n° 401384 : Publié au recueil Lebon. Commentée sur ce blog., le Conseil d’Etat s’est d’abord prononcé sur les obligations qui pèsent sur le tribunal lorsque son jugement est rendu « en premier ressort », c’est-à-dire qu’il est susceptible d’appel. Dans cette hypothèse, lorsque le jugement fait donc l’objet d’un appel, les parties ont l’obligation de contester dans l’instance d’appel la mesure de régularisation et le tribunal doit, le cas échéant, saisi d’un recours contre cette mesure la transmettre au juge d’appel.

Par une seconde décision du 10 octobre 2022, publiée au recueil Lebon sur ce point, le Conseil d’Etat s’est ensuite prononcé sur les obligations qui incombent au tribunal lorsque son jugement est cette fois-ci rendu en « premier et dernier ressort », c’est-à-dire qu’il n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation 3)CE 10 octobre 2022, req. n° 452955 : Publié au recueil Lebon. Egalement commentée sur ce blog. Le jugement portant sur un permis de construire est rendu en « premier et dernier ressort » lorsque le bâtiment est implanté en tout ou partie sur le territoire des communes où s’applique la taxe annuelle sur les logements vacants (CJA, art. R. 811-1-1, 1°)..

En application de l’article L. 600-5-2 précédemment mentionné et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Conseil d’Etat a reconnu sa compétence pour examiner, en qualité de juge de premier et dernier ressort, la légalité de la mesure de régularisation, dans l’hypothèse spécifique où, saisi du pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal, il règle l’affaire au fond après cassation du jugement du tribunal prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire à la suite duquel est donc intervenue un permis modificatif.

Le fichage de cette solution « hybride », qui amène le Conseil d’Etat à connaître de l’affaire, à la fois en tant que juge de cassation (pour le pourvoi contre le permis de construire initial) et tant que juge de premier et dernier ressort (pour la mesure de régularisation), indique que la solution est rendue « dans les circonstances de l’espèce ». Ces circonstances étaient, en effet, particulières puisque le Conseil d’Etat était saisi d’un second pourvoi en cassation après avoir déjà annulé un premier jugement du tribunal sur le permis de construire au terme d’un premier pourvoi.

2             Par la décision commentée, le Conseil d’Etat précise la portée de cette jurisprudence.

En l’espèce, un tribunal administratif a annulé partiellement un permis de construire et fixé un délai de régularisation du vice identifié. Saisi d’un recours contre le permis modificatif, il l’a transmis au Conseil d’Etat qui était parallèlement saisi du pourvoi en cassation contre son jugement.

Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat juge qu’« il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme (…) que le juge de cassation, saisi d’un pourvoi dirigé contre un arrêt ou un jugement relatif au permis de construire initialement délivré, soit compétent pour statuer en premier et dernier ressort sur la légalité d’un permis modificatif, d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation communiqués aux parties ».

Autrement dit, cela signifie qu’hormis l’hypothèse particulière de seconde cassation avec règlement au fond de l’affaire (c’est-à-dire la décision du 10 octobre 2022), le tribunal ne doit pas transmettre au Conseil d’Etat le recours contre le permis modificatif délivré postérieurement au jugement qui annule partiellement l’autorisation initiale et qui fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

 

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References   [ + ]

1. Article L. 600-5 du code de l’urbanisme.
2. CE 15 février 2019 Commune de Cogolin, req. n° 401384 : Publié au recueil Lebon. Commentée sur ce blog.
3. CE 10 octobre 2022, req. n° 452955 : Publié au recueil Lebon. Egalement commentée sur ce blog. Le jugement portant sur un permis de construire est rendu en « premier et dernier ressort » lorsque le bâtiment est implanté en tout ou partie sur le territoire des communes où s’applique la taxe annuelle sur les logements vacants (CJA, art. R. 811-1-1, 1°).

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