Selon le Conseil d’Etat, l’interdiction de l’ouverture au public des remontées mécaniques ne constitue pas une atteinte grave et manifeste aux libertés fondamentales

Catégorie

Droit administratif général

Date

December 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE ord. 11 décembre 2020 Domaine skiable de France et autres, req. n° 447208

Face au regain de l’épidémie de Covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été prononcé à nouveau à compter du 17 octobre 2020, sur l’ensemble du territoire français, sur le fondement des articles L. 3131-12 et 3131-13 du code de la santé publique, par décret n° 2020-1257 du 14 octobre dernier.

Dans ce cadre d’urgence sanitaire, le Premier ministre a mis en œuvre des mesures générales pour faire face à l’épidémie de Covid-19, par décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 1)Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ; ayant fait l’objet d’un article sur notre blog..

A l’approche de l’ouverture programmée des stations de skis, ces mesures ont été complétées par le décret n° 2020-1519 du 4 décembre 2020, objet de la requête ayant donné lieu à la décision commentée, dont l’article 1er interdit l’ouverture au public des remontées mécaniques 2)Article L. 342-7 du code du tourisme..

L’ensemble des appareils de transports publics de personnes par chemin de fer funiculaire ou à crémaillère, par téléphérique, par téléskis ou par tout autre engin utilisant des câbles porteurs ou tracteurs ne pourront ainsi être empruntés par le public à l’exception des professionnels dans l’exercice de leur activité ainsi que les sportifs professionnels et de haut niveau.

Une requête a été introduite devant le Conseil d’Etat à l’encontre de ce nouveau décret du 4 décembre 2020 aux moyens que celui-ci porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre, au principe de libre administration des collectivités territoriales et au principe d’égalité.

1          Sur la justification de l’interdiction d’ouverture des remontées mécaniques par le contexte sanitaire

Le Conseil d’Etat indique qu’au regard du niveau élevé des nouvelles contaminations, de la persistance d’une forte pression sur le système de santé, concernant particulièrement les régions dans lesquelles se pratiquent le ski alpin et de la nécessité de tout mettre en œuvre pour éviter un rebond de l’épidémie, l’interdiction d’ouverture au public des remontées mécaniques permettra de limiter les contaminations supplémentaires qu’occasionneraient les flux importants de déplacements.

Le Conseil d’Etat considère en conséquence que l’importance des effets économiques de la mesure contestée ainsi que son caractère indifférencié selon les régions ne suffisent pas à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre ainsi qu’au principe de libre administration des collectivités territoriales.

L’atteinte portée à la liberté de culte par la mesure gouvernementale n’autorisant les cérémonies religieuses dans les lieux de culte que dans la limite de trente personnes a en revanche été jugée grave et manifestement illégale le mois dernier 3)CE, Ord., 29 novembre 2020, n° 446930, 446941, 446968, 446975 : ayant fait l’objet d’un article sur notre blog..

2          Sur l’absence de discrimination de nature à constituer une atteinte à une liberté fondamentale

Le Conseil d’Etat rappelle, à l’occasion de sa décision du 11 décembre 2020, que si certaines discriminations peuvent constituer des atteintes à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu’elles produisent sur l’exercice d’une telle liberté, la méconnaissance du principe d’égalité ne révèle pas, par elle-même, une atteinte de cette nature.

Il considère en l’occurrence que les discriminations invoquées par les requérants, qui résulteraient des dérogations mises en œuvre par le décret contesté, afin de permettre aux professionnels dans l’exercice de leur activité, les pratiquants mineurs licenciés au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération française de ski ainsi qu’aux sportifs professionnels et de haut niveau d’emprunter les remontées mécaniques, ne sont pas de nature à constituer des atteintes à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

3          Sur la sécurisation des domaines skiables

Le Conseil d’Etat indique que les conditions de mises en œuvre de l’interdiction d’ouverture au public des remontées mécaniques, et plus particulièrement, la dérogation autorisant l’accès aux remontées mécaniques pour les professionnels dans l’exercice de leur activité, sont de nature à garantir la sécurisation des domaines skiables.

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References   [ + ]

1. Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ; ayant fait l’objet d’un article sur notre blog.
2. Article L. 342-7 du code du tourisme.
3. CE, Ord., 29 novembre 2020, n° 446930, 446941, 446968, 446975 : ayant fait l’objet d’un article sur notre blog.

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