Une modification illégale du délai d’instruction : obtention d’un permis tacite, absence d’incidence sur la légalité de la décision d’urbanisme et décision ne faisant pas grief

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 24 octobre 2023, req. n° 462511 : publié au Rec. CE.

Pour rappel, le délai d’instruction de droit commun est défini à l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme. Il peut cependant être modifié dans les cas limitativement énumérés aux articles R. 423-24 à R. 423-33 du même code.

Dans ce cas, l’article R. 423-42 du code de l’urbanisme prévoit que, à compter du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, l’administration dispose d’un délai d’un mois pour indiquer au pétitionnaire le délai d’instruction modifié ainsi que les motifs de la modification.

Mais qu’en est-il en cas de majoration irrégulière du délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme ?

Par la décision commentée vient répondre à cette question. Quatre apports sont à souligner.

Premièrement les juges du Palais Royal considèrent qu’une modification du délai d’instruction notifiée après l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article R. 423-18 du code de l’urbanisme ou qui, bien que notifiée dans ce délai, ne serait pas motivée par l’une des hypothèses de majoration prévues aux articles R. 423-24 à R. 423-33 du même code, n’a pas pour effet de modifier le délai d’instruction de droit commun à l’issue duquel naît un permis tacite ou une décision de non-opposition à déclaration préalable et ne fait pas obstacle, par conséquence, à l’obtention tacite d’une telle autorisation.

Ce faisant, le Conseil d’Etat étend aux majorations de délais d’instruction sa décision « commune de Saint Herblain » 1)CE Sect., 9 décembre 2022 Saint Herblain, req. n° 454521 : publié au Rec. CE : commentaire Adden., dans laquelle il a jugé qu’une demande de pièces complémentaires non exigées par le code de l’urbanisme ne prolonge pas le délai d’instruction et ne fait pas obstacle à la naissance d’un permis tacite ou d’une décision implicite de non opposition à déclaration préalable.

Deuxièmement, suivant les préconisations de Madame Pradines – rapporteure publique sous cette affaire –  et « afin de prévenir les stratégies manifestement dilatoires », le Conseil d’Etat juge qu’il appartient à l’autorité compétente d’établir qu’elle a procédé à la consultation ou mis en œuvre la procédure ayant motivé la prolongation du délai d’instruction.

Troisièmement, le bien-fondé de la prolongation est jugé sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

Quatrièmement, le Conseil d’Etat énonce qu’une lettre de majoration de délai d’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme n’est pas une décision faisant grief susceptible d’un recours pour excès de pouvoir.

Il s’agit là d’un revirement de la jurisprudence Société Sobeprim 2)CE 22 octobre 1982 Société Sobeprim, req. n° 12522 : publié au Rec. CE. dans laquelle avait été jugé, et fiché comme tel au recueil, qu’une lettre majorant le délai d’instruction avait le caractère d’une décision faisant grief pouvant être déférée au juge de l’excès de pouvoir.

Ce revirement s’est appuyé sur deux décisions rendues dix ans plus tôt, en matière d’autorisation d’exploiter des terres agricoles, dans lesquelles le Conseil d’Etat s’était déjà éloigné de la jurisprudence Sobeprim en considérant d’une part, que la lettre par laquelle l’autorité administrative informe le demandeur d’une prolongation du délai d’instruction de sa demande « revêt le caractère d’une mesure préparatoire et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » 3)CE 31 mars 2014 M. Chassang, req. n° 361632 : mentionné aux T. Rec. CE. et d’autre part, que la circonstance que le délai d’instruction ait été prolongé dans des conditions irrégulières peut toutefois être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la décision rendue sur la demande d’autorisation d’exploitation, lorsque, du fait d’une évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant la prolongation, celle-ci a eu une incidence sur le sens de la décision 4)CE 22 avril 2013 M. Belledent, req. n° 349212 : mentionné aux T. Rec. CE..

 

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References   [ + ]

1. CE Sect., 9 décembre 2022 Saint Herblain, req. n° 454521 : publié au Rec. CE : commentaire Adden.
2. CE 22 octobre 1982 Société Sobeprim, req. n° 12522 : publié au Rec. CE.
3. CE 31 mars 2014 M. Chassang, req. n° 361632 : mentionné aux T. Rec. CE.
4. CE 22 avril 2013 M. Belledent, req. n° 349212 : mentionné aux T. Rec. CE.

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