Les apports des décrets d’application de la loi industrie verte

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

July 2024

Temps de lecture

7 minutes

Décret du 5 juillet 2024 modifiant le code de l’urbanisme et le code de l’environnement en vue de favoriser l’implantation des installations industrielles vertes
Décret du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d’application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement

Deux décrets d’application du 5 et 6 juillet 2024 ont pour objet de préciser les dispositions de la loi du 23 octobre 2023 dite loi industrie verte 1)Loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte – pour en connaitre davantage sur cette loi, nous vous renvoyons vers nos précédents articles : La requalification des zones commerciales d’entrée de ville dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, La loi « industrie verte » accélère le verdissement de la commande publique ou encore Les implantations industrielles et la réhabilitation des friches dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte .

Le décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024 permet d’accélérer certaines procédures d’urbanisme ou certaines procédures environnementales pour des projets industriels stratégiques (1).

Le décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 concerne, quant à lui, la simplification de diverses procédures applicables en matière d’environnement et la libération de fonciers industriels (2, 3, 4).

1.    SUR LE STATUT D’INTÉRÊT NATIONAL MAJEUR ET SES IMPLICATIONS

Les dispositions réglementaires relatives au statut d’intérêt national majeur sont en vigueur depuis le 7 juillet 2024.

La loi du 23 octobre 2023 dite industrie verte a introduit le statut de projet d’intérêt national majeur dans le code d’urbanisme. Un projet qui se voit accorder un tel statut bénéficiera de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme par l’Etat (1.1) et de la reconnaissance anticipée de la raison impérative d’intérêt public majeur (1.2).

A titre préalable, les nouvelles dispositions réglementaires précisent que le préfet est l’autorité compétente pour se prononcer sur les travaux, les installations, les constructions et les aménagements d’un projet industriel qualifié par décret de projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale 2)Article R 422-2 du code de l’urbanisme .

1.1    La soumission des installations industrielle à déclaration de projet

La loi industrie verte ouvre le champ de la déclaration de projet aux installations industrielles relevant des secteurs technologiques considérés comme favorables au développement durable 3)Article L. 300-6 du code de l’urbanisme. Désormais, les projets d’installations industrielles, s’ils relèvent de secteurs technologiques considérés comme favorables au développement durable, pourront faire l’objet d’une déclaration de projet 4)Article L. 300-6 du code de l’urbanisme. Les secteurs de technologie susmentionnés, définis par le décret du 5 juillet 2024, sont 5)Article R. 300-14 du code de l’urbanisme :

  • la décarbonisation du bâtiment, des mobilités, de l’industrie, de l’agriculture et de production, de réseau et de stockage de l’énergie bas-carbone ;
  • la production de produits biosourcés ;
  • la production et la transformation des matières premières nécessaires à la production des équipements et des composants des technologies ;
  • le recyclage des déchets de matériaux.

1.2   La reconnaissance anticipée de la raison impérative d’intérêt public du projet

Lorsque la réalisation d’un projet porte atteinte à des espèces protégées ou à leur habitat, une dérogation spéciale peut être accordée, sous réserve 6)Article L. 411-1 du code de l’environnement / CE avis 9 décembre 2022, n° 463563 :

  • qu’il n’existe aucune solution alternative satisfaisante
  • que le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle
  • que le projet répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur 7)Article L. 411-2 et L. 411-2-1 du code de l’environnement.

L’obtention d’une telle dérogation sera facilitée pour les projets reconnus d’intérêt national majeur puisqu’ils bénéficieront d’une reconnaissance anticipée de la dernière condition tenant à la raison impérative d’intérêt public majeur.

Dans cette perspective, devront être transmis au préfet, autorité compétente, les informations suivantes 8)Article R. 411-6-2 du code de l’environnement :

  • les caractéristiques principales du projet et sa raison d’être
  • le nombre d’emplois que le projet permet de créer et la contribution (avérée, chiffrée et identifiée) que le projet apporte au bassin d’emploi dans lequel il s’inscrit
  • les enjeux attachés au projet urbain ou au programme de développement local ou national dans lequel s’inscrit le projet, et la cohérence du projet avec lesdits enjeux.

2.    Sur la procédure de débats publics ou des concertations préalables globaux

Les dispositions réglementaires relatives aux débats publics et concertations préalables globales sont en vigueur depuis le 8 juillet 2024.

La loi industrie verte a introduit la possibilité d’organiser un débat public ou une concertation préalable portant sur plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement sur un même territoire délimité et homogène, à condition néanmoins que ces projets soient susceptibles de relever de l’obligation de saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) 9)Article L. 121-8-2 du code de l’environnement.

Dans ce cas, la procédure de saisine de la CNDP est précisée par le décret du 6 juillet 2024 10)Article R. 121-3-2 du code de l’environnement : le dossier de saisine précise le périmètre et la vocation du territoire considéré. Ensuite, la CNDP transmet sa décision sur la suite réservée à cette saisine à la personne publique ayant fait la demande (collectivité territoriale pour les projets d’aménagement, préfet dans les autres cas) ainsi qu’aux maîtres d’ouvrages connus. La CNDP peut décider que certains des projets présentés dans le dossier de saisine, à raison de leur caractère prématuré ou insuffisamment précis, soient retirés et soumis à une saisine ultérieure. Pour les autres projets, la CNDP peut, par décision motivée, décider l’organisation d’un débat public propre ou d’une concertation préalable propre à un ou plusieurs de ces projets si elle l’estime nécessaire. 11)Ibid. Article R. 121-3-2 du code de l’environnement

Ensuite, l’article R. 121-3-2 du code de l’environnement, introduit par le décret du 6 juillet 2024, précise que pour l’organisation du débat public global ou de la concertation préalable globale, la personne publique élabore, après avoir consulté les maîtres d’ouvrage (pour les parties qui les concernent), le document de synthèse sur l’ensemble des projets faisant l’objet du débat public global, et le dossier soumis au débat à partir des dossiers transmis par les maîtres d’ouvrage. Elle propose également proposer les modalités d’organisation et le calendrier du débat après avoir consulté les maîtres d’ouvrages concernés. Elle est d’ailleurs consultée à ce titre par la CNDP et est en charge de transmettre le calendrier et le dossier de concertation. Le compte rendu et le bilan du débat public global ou de la concertation préalable globale sont joints par le maître d’ouvrage au dossier d’enquête publique, de participation par voie électronique ou de la nouvelle consultation du public prévue à l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement.

3.   Sur la procédure de demande d’une autorisation environnementale

Les dispositions réglementaires relatives à la demande d’autorisation environnementale entreront en vigueur le 22 octobre 2024 et seront applicables aux demandes déposées à compter de cette date.

Le régime de l’autorisation environnementale est dynamisé : une nouvelle consultation du public a été introduite pour les demandes d’autorisation environnementale, à mi-chemin entre l’enquête publique et la PPVE. Et, désormais, les phases d’examen de la demande d’autorisation environnementale et de consultation du public se déroulent simultanément.

Le décret du 6 juillet 2024 apporte les précisions suivantes :

  • sur la phase d’examen :
    • si le projet est susceptible de faire l’objet de servitude d’utilité publique, le préfet doit en informer, dès réception du dossier, le maire de la commune située dans le périmètre de la servitude et le pétitionnaire. Suivant l’information qui lui a été faite, le maire a un mois pour demander l’institution d’une servitude. Dans une telle hypothèse, l’enquête sur le projet définissant la servitude et la consultation du public sur l’autorisation environnementale seront réalisées sous forme d’enquête publique 12)Article R. 181-16-1 du code de l’environnement. La phase d’examen et de consultation ne pourra pas être engagée avant la réception de l’ensemble de l’avis du maire ou, au plus tard, avant l’expiration de ce délai d’un mois.
    • le préfet devra inviter le demandeur à compléter ou régulariser son dossier si celui-ci est incomplet 13)Article R. 181-16 du code de l’environnement . Dès que le dossier est complet et régulier, il dispose d’un délai de deux mois pour donner son avis 14)Article R. 181-18 du code de l’environnement.
    • la décision de rejet de la demande du porteur de projet sera mise en ligne sur le site internet de la préfecture ou celui dédié à la consultation 15)Article R. 181-34 du code de l’environnement .
  • sur la phase de consultation du public : cette phase est lancée dès que le dossier de demande d’autorisation est jugé complet et régulier et se déroule parallèlement à l’instruction du dossier et au recueil des avis requis, mis en ligne au fur et à mesure 16)Article L. 181-10 du code de l’environnement.
    • si elle est réalisée sous la forme d’une enquête publique :
      • dès que le préfet constate qu’une enquête publique doit être réalisée, il en informe sans délai le président du tribunal administratif
      • au plus tard quinze jours après la désignation, requise dans une telle hypothèse, du commissaire enquêteur, le préfet doit prendre un arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête 17)Article R. 181-35 du code de l’environnement.
      • Le commissaire enquêteur désigné devra, à l’expiration du délai de la consultation du public, présenter ses observations au pétitionnaire, qui disposera d’un délai de cinq jours pour présenter ses observations 18)Article R. 181-37 du code de l’environnement. A l’issue, le rapport du commissaire enquêteur devra être publié en ligne au plus tard à la date de publication de la décision, et ce pendant une durée d’un an 19)Ibid. Article R. 181-37 du code de l’environnement.
  • si elle est réalisée par voie électronique : l’avis de participation doit être mis en ligne par le préfet au moins quinze jours avant le début de la consultation de la participation et pendant toute la durée de celle-ci 20)Article R. 181-35 du code de l’environnement.

4.   Sur la libération du foncier industriel

Les dispositions réglementaires relatives à la libération du foncier industriel sont en vigueur depuis le 8 juillet 2024.  

La loi industrie verte encourage la réhabilitation des friches industrielles en vue de libérer du foncier industriel.

Lorsqu’ils mettent fin à leur activité, les exploitants d’installation classées pour la protection de l’environnement (ICPE) doivent faire attester par un bureau d’études certifiée dans le domaine des sites et sols pollués de la mise en œuvre des mesures de mise en sécurité, de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site et de la bonne exécution des travaux de réhabilitation.

Depuis la loi industrie verte, un exploitant dont la cessation d’activité a été notifiée avant le 1er juin 2022 peut demander à l’administration l’application de la nouvelle procédure de cessation d’activité 21)Pour en savoir plus sur la nouvelle réglementaire instituée par la loi du 23 octobre 2023 en la matière, nous vous renvoyons vers notre article Les implantations industrielles et la réhabilitation des friches dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte .

Le décret du 6 juillet 2024 facilite la substitution du dernier exploitant par le « tiers demandeur » permettant de transférer à un tiers la responsabilité de la réhabilitation sur lequel une activité d’installation classée été exploitée 22)Article R. 512-76 du code de l’environnement.

 

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References   [ + ]

1. Loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte – pour en connaitre davantage sur cette loi, nous vous renvoyons vers nos précédents articles : La requalification des zones commerciales d’entrée de ville dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, La loi « industrie verte » accélère le verdissement de la commande publique ou encore Les implantations industrielles et la réhabilitation des friches dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte
2. Article R 422-2 du code de l’urbanisme
3, 4. Article L. 300-6 du code de l’urbanisme
5. Article R. 300-14 du code de l’urbanisme
6. Article L. 411-1 du code de l’environnement / CE avis 9 décembre 2022, n° 463563
7. Article L. 411-2 et L. 411-2-1 du code de l’environnement
8. Article R. 411-6-2 du code de l’environnement
9. Article L. 121-8-2 du code de l’environnement
10. Article R. 121-3-2 du code de l’environnement
11. Ibid. Article R. 121-3-2 du code de l’environnement
12. Article R. 181-16-1 du code de l’environnement
13. Article R. 181-16 du code de l’environnement
14. Article R. 181-18 du code de l’environnement
15. Article R. 181-34 du code de l’environnement
16. Article L. 181-10 du code de l’environnement
17, 20. Article R. 181-35 du code de l’environnement
18. Article R. 181-37 du code de l’environnement
19. Ibid. Article R. 181-37 du code de l’environnement
21. Pour en savoir plus sur la nouvelle réglementaire instituée par la loi du 23 octobre 2023 en la matière, nous vous renvoyons vers notre article Les implantations industrielles et la réhabilitation des friches dans la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte
22. Article R. 512-76 du code de l’environnement

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